Vaisseau spatial, le Songe de Scipion
A bord d’un vaisseau spatial, sur leur route de retour, deux astronomes conversent librement. Leur mission scientifique au-delà de Saturne a dépassé leurs espérances. L’ambiance est détendue, sereine. Le pilote, un lycéen, astronome amateur, a l’esprit vif et pose des questions pertinentes. Il a déjà le sens du Beau. Il est un peu le porte-parole des jeunes lecteurs. Son compagnon parle au nom des astronomes qui, depuis près de 2 000 ans, scrutaient déjà le mouvement des astres à l’œil nu : les ”sages” de l’Ecole d’Uruk en Chaldée, en Mésopotamie, puis les astronomes chaldéens de l’Ecole de Babylone. Ces astronomes d’Uruk, Ninive, et Babylone tenaient des registres d’observations et leurs éphémérides prévoyaient les positions de la Lune et des planètes dans le zodiaque. On connaît leurs noms de Kidinnu à Séleucos, et leurs connaissances astronomiques au temps de Pythagore, d’Aristote ou d’Hipparque.
Le songe de Scipion
Le temps est long, nous avons quitté Saturne et croisé les orbites de Jupiter et de Mars.
— Saturne, Jupiter, Mars…C’est drôle, en classe de latin, j’ai appris avec surprise que les 5 planètes visibles à l’œil nu étaient déjà classées dans l’ordre ”héliocentrique” du temps de Cicéron, 1er siècle B.C. Dans le Songe de Scipion, Cicéron*, lors d’une discussion avec Scipion Emilien, apprend le songe de l’ancêtre Scipion l’Africain qui, revenant des profondeurs de la Voie lactée où il a vu des étoiles qui sont invisibles de la Terre, pénètre dans le système solaire où il croise dans l’ordre Saturne, Jupiter, Mars…
Songe de Scipion selon Cicéron*, 55 B.C., d’après un commentaire de Macrobe 4e siècle. Manuscrit Bologne 1383. Iconographie Edson E. and Savage-Smith E. in Medieval views of the cosmos, Picturing the Universe in the Christian and Islamic Middles Ages, 2004, ed. the Bodleian Library, Oxford.
— Cicéron n’a rien inventé, c’est l’ordre de Pythagore, 5e siècle B.C., qui lui-même l’avait appris des chaldéens. Les Grecs donnaient aux planètes le nom de leurs dieux. Ils nommaient Saturne : Cronos, le dieu primitif qui marque le Temps. Jupiter était dédiée à Zeus le Dieu des dieux, c’est la planète la plus éclatante. Mars, était Arès, le dieu de la guerre. Les astronomes chaldéens, eux, désignaient les planètes par une caractéristique physique : Saturne, plus lente, était nommée le Constant, Jupiter en raison de son éclat était le Splendide, et Mars pour sa couleur était le Rougeoyant. Mais elles étaient aussi dédiées : Vénus à Ishtar la déesse de l’amour et de la guerre, Jupiter à Marduk le dieu de Babylone, et Saturne à Ninurta le dieu de la sagesse.
Dans L’astrologie mésopotamienne, 1996, Jean Bottéro*, nous apprend la pensée assez moderne des chaldéens : le dieu du Feu ce n’était pas le Feu, mais celui qui commandait au Feu, celui qui expliquait les phénomènes et les mystères du Feu. Les astres n’étaient ni des dieux ni des héros, mais des objets, des ”objets lumineux”. Pour les chaldéens, à la différence de Platon et d’Aristote, les astres et les cieux n’avaient rien d’absolu ni de parfait. Les dieux étaient là pour conduire les astres et ”pousser ces objets lumineux” dans certaines directions et à certaines vitesses ; ils agissaient sur eux comme une force extérieure invisible, une toute première esquisse des forces de gravitation.
— Un doux rêve, être poussé par Ishtar la déesse de Babylone.