Etoile des Mages et astronomie chaldéenne

 

 

Etoile des Mages et astronomie chaldéenne

 

Préambule

Vaisseau spatial, le Songe de Scipion

Mésopotamie : les tablettes d’Istar-suma-iris et d’Akkullanu

British Museum : éphémérides chaldéennes pour 7/6 B.C.

Du Bureau des Longitudes à www.stellarium.org

Monastère sainte Catherine du Sinaï : évangiles de Matthieu et de Luc

Les Res Gestae d’Auguste : du temple Ancyre à Antioche de Pisidie

Rome et Arles : la Nativité dans le premier art chrétien

Florence : Divine comédie de Dante et orbites des planètes

La grande bibliothèque de Césarée la Maritime

Balaam dans la littérature hébraïque, araméenne, perse, arabe, arménienne

Un monde qui s’élargit, et de nouvelles valeurs qui émergent

Conclusion

Références

 

par Yvon Georgelin*, astronome

dépôt légal SGDL 2015-12-0030


 

 

 

 Pour une lecture douce

 Après des siècles d’observation à l’œil nu du mouvement du Soleil, de la Lune et des planètes dans le zodiaque, l’astronomie chaldéenne avait atteint des sommets. Les premiers chapitres, ardus en apparence, sont consacrés à cette astronomie, ils expliquent pourquoi le phénomène subtil de l’Etoile de Bethléem, ”une triple conjonction de Jupiter et de Saturne” suivie d’une ”Grande Conjonction de Jupiter, Saturne et Mars”, ne fut observé que par des spécialistes, les Mages. Cette entrée en matière astronomique va surtout permettre d’interpréter les extraordinaires éphémérides pour l’année 7/6 B.C. (Before Christ), traduites par Sachs et Walker*, 1984, qui apportent, aujourd’hui, la preuve que les Mages Chaldéens avaient bien prévu ce ballet très rare de planètes comme nous allons l’expliquer. Nos deux astronomes-enquêteurs rechercheront la trace de ce ballet de planètes dans l’évangile de Matthieu, le Livre de Jacques qui mentionne plusieurs Astres et non une seule Etoile, la Lettre d’Ignace d’Antioche décrivant un cortège de planètes accompagné de la Lune et du Soleil, les textes des Pères de l’Eglise et du Moyen-Age citant une conjonction de Jupiter et de Saturne dans le signe des Poissons, aux pâles étoiles… un astre qui brillait du soir au matin…un phénomène astronomique qui semblait intelligent.

Les connaissances astronomiques des chaldéens étaient pointues, mais leurs raisonnements faciles à suivre. Leurs calculs étaient fort simples. Ils ne connaissaient ni les nombres décimaux, ni les fractions. Ils ignoraient les systèmes de coordonnés x, y, les sinus et cosinus, les vecteurs, les vitesses angulaires, les ω=2π/T, les périodes et fréquences qui font fuir les lycéens. Mais pourtant ils arrivaient à résoudre des problèmes de trigonométrie sphérique (la somme des 3 angles n’est plus égale à 180°) sans connaître les formules de Gauss de 3 équations à 3 inconnues. Le jeune lecteur pourra aisément visionner cette conjonction de planètes de 7/6 B.C. en se connectant sur stellarium.

Préambule

 

Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles, mais uniquement par manque d’émerveillement

K. Chesterton

 

 

 Préambule

 

L’étoile des Mages, évangile de Matthieu, et le recensement ”du monde habité” décrété par l’empereur Auguste, évangile de Luc, commencèrent à acquérir une réalité historique au début du 17e siècle. L’astronome Képler*, 1604, et le théologien Suslyga*, 1606, montrèrent que deux événements, une ”conjonction de planètes” très rare et un premier recensement du monde habité s’étendant à la province impériale de Syrie dont dépendait le royaume d’Hérode, s’étaient tous les deux déroulés du temps d’Hérode le Grand. C’était aussi le temps de la Nativité selon les évangiles de Matthieu et Luc.

En décembre 1603, Képler venait d’observer une Grande Conjonction de Mars, Jupiter et Saturne dans la constellation du Sagittaire un événement rare, ce qui l’incita à s’intéresser aux Grandes Conjonctions de l’Antiquité. Képler calcula qu’une Grande Conjonction de ces 3 planètes s’était produite en février 6 B.C., et, deuxième curiosité, Képler montra qu’elle avait été précédée, en juin, août et décembre de 7 B.C., d’une triple conjonction de Jupiter et de Saturne jouant au chat et à la souris pendant 8 mois. Cet ensemble de phénomènes est rare, d’autant plus qu’ils se déroulèrent au voisinage du point d’équinoxe, ce qui provoque le regroupement assez spectaculaire de leurs couchers au même azimut. Pour nous, en 2016, il s’agit là du phénomène de Bethléem, mais Képler y voyait seulement un ”prélude”, de même que la Grande Conjonction qu’il avait observé en 1604 avait été pour lui un ”prélude” à la supernova du 17 octobre 1604.

Képler qui, le premier, découvrit cette supernova la décrit comme un ”2e Jupiter”, avec le même éclat, à 3 degrés de distance seulement de notre belle planète ; le 13 septembre 1605 l’éclat de la supernova était moindre que celui de ρ Ophiuchus ; elle fut visible plus d’un an. Certes, le magnifique spectacle d’une étonnante supernova aurait mieux cadré avec l’Etoile mystérieuse décrite par Matthieu. A la fin de sa vie, Képler, qui, comme tout astronome, ne pouvait se rallier à l’idée que les Mages aient pu ”suivre” une Etoile, renonça à toute idée d’un phénomène astronomique réel.

Dans De vero anno…, 1614, Képler conclut que :

« cette Etoile nouvelle n’était pas dans le registre ordinaire d’une supernova ou d’une comète, mais bien une étoile miraculeuse qu’ils virent se déplacer dans les régions inférieures de l’atmosphère […]. La conjonction des planètes avait été un signe avant-coureur de cette Etoile ”miraculeuse” ».

Képler*

Puis, Képler revient à sa première idée :

« Les Mages étaient des astrologues Chaldéens, leur présage était qu’une Grande Conjonction des 3 planètes dans les points cardinaux, spécialement au point d’équinoxe, signifiait un changement universel […] et que le lever d’un nouveau Roi était imminent. […] Dieu aurait-il condescendu à alimenter la crédulité des Chaldéens »

Képler cité par W. S. Burke-Gaffney*, S.J., 1937

Burke-Gaffney* poursuit :

« En 1605, pour des raisons de famille, d’héritage, Képler s’était rendu à Gratz en Styrie germanique où, par hasard, il prit  connaissance de la thèse d’un théologien polonais, Laurent Suslyga*, sur la date de la Nativité »

Les Pères de l’Eglise avaient jusqu’alors calculé cette date à partir de la première prédication de Jésus, juste après son baptême par Jean-Baptiste, ”durant la quinzième année du règne de Tibère” ; ils en déduisaient la date de Pâques, la grande fête des chrétiens, et remontaient à la date de la Nativité sur la base « Jésus ayant alors ”environ 30 ans” ». Suslyga mit à plat ces approximations successives et revint au départ : Jésus était né du temps d’Hérode le Grand comme l’affirment Matthieu et Luc. L’historien juif romain Flavius Josèphe* rapporte qu’Hérode décéda à l’approche de Pâques 4 B.C., « quelques jours après une éclipse de Lune ». Képler* s’empressa d’en calculer la date, le 13 mars de 4 B.C., effectivement proche de Pâques, le 11 avril 4 B.C.

Képler et Suslyga ne s’arrêtèrent pas là. Depuis l’Antiquité romaine on savait par la Vie d’Auguste de Suétone « que l’Empereur Auguste avait procédé à 3 recensements du monde habité » mais les dates de ces recensements étaient perdues car l’énorme annuaire historique Brevarium Imperii ou Sommaire de l’Empire, et ses extraits majeurs, les Res Gestae gravés sur le temple d’Auguste à Rome, avaient été détruits à la fin de l’Empire. En 1555, Ghislain de Busbecq retrouva la date de ces 3 recensements, dont celui de 8 B.C., sur une inscription romaine du temple-mosquée d’Ancyre (Ankara). Suslyga comprit que ce recensement de 8 B.C. décrété par Auguste seul, et non par deux consuls comme les autres recensements, était bien celui cité par Luc. Cette inscription d’Ancyre enthousiasma les historiens des 18e et 19e par la richesse de son contenu, « la reine des inscriptions » pour Théodor Mommsen, historien allemand spécialiste des monuments de l’Empire Romain, Prix Nobel 1902.

Képler et Suslyga retrouvèrent aussi mention des répercussions de ce recensement d’Auguste dans les Antiquités Judaïques :

« En fait alors que tout le peuple Juif avait confirmé par des serments son dévouement envers l’empereur Auguste et le gouvernement royal d’Hérode, des pharisiens, au nombre de plus de 6 000  avaient refusé de jurer »

Flavius Josèphe*

Il s’agit donc d’un recensement effectué selon l’ordre romain et selon les coutumes juives, un recensement qui ne fut pas anodin et provoqua des turbulences internes détaillées par Flavius Josèphe, comme nous le verrons. Enfin, Képler et Suslyga, s’appuyaient déjà sur Tacite, Suétone, Dion Chrysostome, pour confirmer le rôle important de Quirinius lors de ce recensement, comme envoyé spécial d’Auguste dans la province impériale de Syrie dont dépendait le royaume d’Hérode.

Deux siècles plus tard la grande tourmente rationaliste se déchaîna, de Strauss, 1835, théologien de Tubingen, jusqu’à Guignebert, 1933, professeur d’histoire du christianisme à la Sorbonne :

« C’est l’imagination florissante de Matthieu qui a combiné tout le récit de la visite des mages et l’apparition de l’étoile miraculeuse afin de rendre authentique la naissance de Jésus à Bethléem ».

Et encore

« Luc a inventé cet édit extravagant d’Auguste ordonnant le recensement de tout l’Empire, dans le seul but de trouver un moyen de faire venir Joseph et Marie à Bethléem parce qu’il voulait que Jésus y naquît ».

Mais comment Matthieu et Luc auraient-ils pu ”inventer” des événements si particuliers : l’arrivée surprenante de Mages qui avaient vu un ”Astre” à son lever, et un recensement du monde habité, couvrant la Syrie donc le royaume d’Israël, qui marque l’apogée de l’Empire Romain? Il aurait été si simple pour les évangélistes de faire intervenir des anges, du monde invisible, comme l’ange qui apparaît à Zacharie ou l’ange « qui annonce à Marie qu’elle enfantera Jésus, le Fils du Très-Haut ». Ils auraient pu faire appel à des songes : c’est un ange qui apparaît en songe à Joseph : ”Marie enfantera un Fils qui vient de l’Esprit Saint”, ou, comme sur le chapiteau de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, 12e siècle, un ange montrant aux Rois Mages endormis l’Etoile qui les guidera vers le nouveau-né.

Les nombreuses découvertes effectuées par les chercheurs des 19e, 20e et 21e siècles apportent aujourd’hui des réponses aux questions qui restaient en suspens, le puzzle finit de se construire sur les bases avançées par Képler et Suslyga.

Dans notre voyage fictif, nos deux enquêteurs, des astronomes, vont nous conduire sur la trace de ces chercheurs, une aventure qui nous mènera sur des ziggurats astronomiques et sites archéologiques, au British Museum à la recherche d’éphémérides astronomiques chaldéennes en écriture cunéiformes, à l’Observatoire de Paris et au Bureau des Longitudes temple de la Mécanique Céleste, dans des bibliothèques de l’Antiquité, le monastère Sainte-Catherine du Sinaï et les bibliothèques de Césarée et de Pergame, sur les sites archéologiques d’Anatolie, Ancyre et Antioche de Pisidie, vers de nouveaux papyrus Bodmer et des manuscrits syriaques oubliés. Avec les hellénistes et les philologues nous rechercherons des textes astronomiques oubliés qui permettent aujourd’hui de traduire correctement les passages d’astronomie des évangiles, des épîtres et des lettres qui concernent ”l’Etoile des Mages” ; à commencer par ”Etoile” un nom qui n’existe pas dans la langue grecque. Nous ferons une brève excursion également vers les représentations artistiques de l’Etoile des Mages et des 7 niveaux des planètes, de l’époque paléochrétienne à la Renaissance.

Les deux astronomes détectives qui nous servent de guide dans ce dédale sont deux rationalistes : ils réfutent la mythologie, le symbolisme et l’idolâtrie indument attachés aux planètes et aux signes du zodiaque. Ils ne croient ni aux miracles, ni aux prophéties, mais ils savent s’émerveiller devant les découvertes extraordinaires des astronomes chaldéens et tout autant devant le talent des assyriologues qui ont su déchiffrer l’écriture cunéiforme : citons les pionniers de l’astronomie chaldéenne, trois jésuites : Strassmaier*, Epping*, Kugler*.

Parmi toutes ces merveilleuses tablettes astronomiques figurent des éphémérides astronomiques prévoyant les positions des planètes pour l’année 305 de l’ère des Séleucides (13 mois lunaires du 1er avril 7 B.C. au 18 avril  6 B.C). Découvertes en 1925 sur le site de Borsippa à Babylone en 1925, ces éphémérides ont été publiées en 1984 par A.J. Sachs et C.B.F. Walker, sous le titre Kepler’s View of the Star of Bethlehem and the Babylonian Almanac for 7/6 B.C., avec le British Institute for the Study of Iraq, archives JSTOR. Certes ces deux assyriologues ne s’attendaient pas à y trouver mention d’une ”conjonction” de planètes un terme qui ne figure pas non plus dans les autres éphémérides, mais ils furent déçus de ne pas y trouver les 3 dates de la triple conjonction de Jupiter et de Saturne calculées par Képler. Mais, l’essentiel, les 5 dates clés des orbites de Jupiter et de Saturne y figurent ; ces 10 dates fondamentales sont nécessaires pour prévoir l’événement astronomique de la triple conjonction alors que les 3 dates où Jupiter dépasse Saturne ne sont là que pour le spectacle. Ces éphémérides prévoyaient également la Grande Conjonction de Jupiter, Mars et Saturne prévue au point d’équinoxe au début de 6 B.C.

Depuis Képler les astronomes pouvaient affirmer qu’une conjonction rare de planètes ”s’était produite” en 7 B.C. Aujourd’hui on sait que les Mages chaldéens avaient prévu que cette conjonction de planètes ”allait se produire”.

Vaisseau spatial, le Songe de Scipion

 

 

Vaisseau spatial, le Songe de Scipion

 

A bord d’un vaisseau spatial, sur leur route de retour, deux astronomes conversent librement. Leur mission scientifique au-delà de Saturne a dépassé leurs espérances. L’ambiance est détendue, sereine. Le pilote, un lycéen, astronome amateur, a l’esprit vif et pose des questions pertinentes. Il a déjà le sens du Beau. Il est un peu le porte-parole des jeunes lecteurs. Son compagnon parle au nom des astronomes qui, depuis près de 2 000 ans, scrutaient déjà le mouvement des astres à l’œil nu : les ”sages” de l’Ecole d’Uruk en Chaldée, en Mésopotamie, puis les astronomes chaldéens de l’Ecole de Babylone. Ces astronomes d’Uruk, Ninive, et Babylone tenaient des registres d’observations et leurs éphémérides prévoyaient les positions de la Lune et des planètes dans le zodiaque. On connaît leurs noms de Kidinnu à Séleucos, et leurs connaissances astronomiques au temps de Pythagore, d’Aristote ou d’Hipparque.

 

Le songe de Scipion

Le temps est long, nous avons quitté Saturne et croisé les orbites de Jupiter et de Mars.

— Saturne, Jupiter, Mars…C’est drôle, en classe de latin, j’ai appris avec surprise que les 5 planètes visibles à l’œil nu étaient déjà classées dans l’ordre ”héliocentrique” du temps de Cicéron, 1er siècle B.C. Dans le Songe de Scipion, Cicéron*, lors d’une discussion avec Scipion Emilien, apprend le songe de l’ancêtre Scipion l’Africain qui, revenant des profondeurs de la Voie lactée où il a vu des étoiles qui sont invisibles de la Terre, pénètre dans le système solaire où il croise dans l’ordre Saturne, Jupiter, Mars…


songe de scipion

Songe de Scipion selon Cicéron*, 55 B.C., d’après un commentaire de Macrobe 4e siècle. Manuscrit Bologne 1383. Iconographie Edson E. and Savage-Smith E. in Medieval views of the cosmos, Picturing the Universe in the Christian and Islamic Middles Ages, 2004, ed. the Bodleian Library, Oxford.


— Cicéron n’a rien inventé, c’est l’ordre de Pythagore, 5e siècle B.C., qui lui-même l’avait appris des chaldéens. Les Grecs donnaient aux planètes le nom de leurs dieux. Ils nommaient Saturne : Cronos, le dieu primitif qui marque le Temps. Jupiter était dédiée à Zeus le Dieu des dieux, c’est la planète la plus éclatante. Mars, était Arès, le dieu de la guerre. Les astronomes chaldéens, eux, désignaient les planètes par une caractéristique physique : Saturne, plus lente, était nommée le Constant, Jupiter en raison de son éclat était le Splendide, et Mars pour sa couleur était le Rougeoyant. Mais elles étaient aussi dédiées : Vénus à Ishtar la déesse de l’amour et de la guerre, Jupiter à Marduk le dieu de Babylone, et Saturne à Ninurta le dieu de la sagesse.

Dans L’astrologie mésopotamienne, 1996, Jean Bottéro*, nous apprend la pensée assez moderne des chaldéens : le dieu du Feu ce n’était pas le Feu, mais celui qui commandait au Feu, celui qui expliquait les phénomènes et les mystères du Feu. Les astres n’étaient ni des dieux ni des héros, mais des objets, des ”objets lumineux. Pour les chaldéens, à la différence de Platon et d’Aristote, les astres et les cieux n’avaient rien d’absolu ni de parfait. Les dieux étaient là pour conduire les astres et ”pousser ces objets lumineux” dans certaines directions et à certaines vitesses ; ils agissaient sur eux comme une force extérieure invisible, une toute première esquisse des forces de gravitation.

— Un doux rêve, être poussé par Ishtar la déesse de Babylone.

Mésopotamie : les tablettes d’Istar-suma-iris et d’Akkullanu

 

 

Mésopotamie : les tablettes d’Istar-suma-iris et d’Akkullanu

 

— Je survole la monumentale ziggurat d’Ur, elle s’élève sur trois terrasses.

— Oui c’est une des plus anciennes, 2e millénaire, elle est bien conservée. Celles de Khorsabad, Sippar, Borsippa ou Uruk s’élevaient vers le ciel sur 7 niveaux correspondant à l’ordre chaldéen des planètes classées selon leur durée de révolution : Saturne, (1e terrasse), puis Jupiter, Mars, le Soleil, (4e terrasse) qui usurpait la place de la Terre, puis les terrasses de Vénus et Mercure, soit 5 planètes dans le bon ordre héliocentrique, une merveille de l’astronomie chaldéenne et grecque ; dernière terrasse, la Lune.

— Je survole les ruines de Ninive.

— Elles furent découvertes en 1843 par Paul Botta, consul de France, à proximité du village de Khorsabad, non loin de Mossoul en Irak. Gabriel Hanotaux*, 1885, rapporte que le long de murailles qui affleuraient des sables, Paul Botta mit au jour l’antique résidence de Sargon II, roi d’Assyrie ; ces magnifiques bas-reliefs et statues sont aujourd’hui au Louvre. Mais Ninive était fort étendue, en 1847, Henry Layard, un archéologue britannique, poursuivit les fouilles et découvrit dans le palais de Sennachérib 25 000 tablettes en écriture cunéiformes provenant de la bibliothèque Assurbanipal (668-627). Ce roi d’Assyrie avait rassemblé les œuvres littéraires et scientifiques de son temps, un trésor assyriologique inestimable précieusement sauvegardé au British Museum de Londres.

— Des œuvres littéraires, oui, j’ai appris au collège l’épopée du héros Gilgamesh et la première histoire de la Création et du Déluge qui sont antérieures à la bible.

— Oui, l’épopée de Gilgamesh traduite en 1872 par un assyriologue britannique, George Smith*, provoqua un émoi mondial.

— En lisant L’Histoire commence à Sumer de Samuel Noah Kramer*, 1957, j’ai été surpris d’apprendre que la première quête de ”l’immortalité” et la première légende d’une ”résurrection” avaient précédé d’un millénaire le judéo-christianisme. J’aime également les expéditions scientifiques et les fouilles archéologiques, j’ai adoré Il était une fois la Mésopotamie, 1993, de Jean Bottéro*, assyriologue, et M.J. Stève O.P. qui retracent deux siècles de découvertes archéologiques.

 

Enûma elish: la Création des Astres

— L’orientaliste Béatrice André-Salvini*, 2008, nous livre un extrait de la Création des Astres, du Ciel et de la Terre, des tablettes cunéiformes qui remontent à la période 1500-1000 B.C.:

« [Marduk] créa les stations célestes pour les grands dieux,

Il installa les constellations, leurs étoiles qui sont leurs images,

Il détermina l’année, en traça les limites,

Et pour chacun des douze mois, il mit en place trois étoiles.

Lorsqu’il eut fixé la durée de l’année,

Il fixa la station de l’Etoile Polaire, pour définir les liens entre les astres

et qu’aucun ne commette de négligence en son parcours […]

Puis il fit briller la Lune [Nanna] et lui confia la nuit,

Il lui assigna d’être le joyau de la nuit pour définir les jours

Que chaque mois, sans fin, il marquerait par son disque […]

Lorsqu’il eut assigné le jour au Soleil [Shasmash]

Qu’il eut fixé les gardes de la nuit et du jour […] »

Enûma elish, IV, 135-137 ; V,1-70

On trouve déjà dans la Création des Astres davantage de connaissances astronomiques que dans Homère et plus encore que dans la Bible. Une information fantastique, plus d’un millénaire avant notre ère : ”36 étoiles” qui marquent le tracé de l’écliptique et la course des planètes au cours des 12 mois zodiacaux. Ces 36 étoiles permettent d’observer et de prévoir le mouvement des 7 planètes, 7 astres errants, comme on disait alors :

  • les 3 planètes supérieures, les plus lointaines, Mars, Jupiter et Saturne,
  •  les 2 planètes inférieures Mercure et Vénus, voisines du Soleil,
  •  le Soleil qui parcourt les 12 signes du zodiaque en un an. (Le Soleil est une étoile comme chacun sait).
  •  la Lune, la plus proche, qui parcourt le zodiaque en un mois sidéral. (comme chacun sait, la Lune n’est pas une planète mais le satellite de la Terre).

Les textes astronomiques chaldéens furent déchiffrés à la fin du 19e par trois Jésuites. Johann Strassmaier*, orientaliste et assyriologue au British Museum, découvrit parmi les tablettes un grand nombre de textes astronomiques contenant des données mathématiques avec la date des mois lunaires, il en fit d’excellentes copies et traductions toujours en usage. Strassmaier fit appel à Joseph Epping*, professeur d’astronomie à Maria Laach près de Coblence qui déchiffra les idéogrammes des diverses planètes et publia, en 1889, L’astronomie à Babylone. Après le décès de Joseph Epping, Franz Kugler*, professeur d’astronomie à l‘Ignatius College en Hollande prit le relais et publia en 1900 la Théorie Babylonienne de la Lune, et en 1907 la Théorie Babylonienne des Planètes. Cet immense travail de déchiffrement de l’astronomie babylonienne fut poursuivi par Schaumberger*, 1933, et Otto Neugebauer*, 1975.

— Mais à l’œil nu que pouvaient mesurer les astronomes chaldéens ?

— C’étaient de fins experts sur les mouvements des planètes, mais aussi sur celui de la Lune qui leur permettait de prévoir les éclipses et d’asseoir leur position de conseillers des rois.

 

La Lune : mois sidéral et mois synodique

Ils avaient observé que la Lune fait un tour, revient devant la même étoile, au bout de 27,32 jours ; pendant ce cycle d’un tour lunaire, le Soleil s’étant déplacé de presque un signe du zodiaque, il faut à la Lune un petit délai supplémentaire pour revenir devant le Soleil : au bout de 29,53 jours ”en moyenne”.

— Oui je connais, c’est un problème de ”courriers”, mon grand-père a eu ce problème au certificat d’études : au bout d’ 1 an le Soleil aura parcouru 1 tour dans le zodiaque, la Lune aura effectué 13,37 tours dans le zodiaque mais sera revenue 12,37 fois devant le Soleil (1 cycle de moins).

 — Les astronomes chaldéens qui connaissaient l’écriture et tinrent des registres d’observation pendant près de 900 ans et en continu sur plusieurs siècles savaient, au temps de Kidinnu, 4e siècle B.C., que :

« que la Lune, après 3 008 retours devant la même étoile (mois sidéral), était revenue 2 783 fois devant le Soleil (mois synodique) ».

Kidinnu, astronome chaldéen, cité par Kugler*

Ainsi, après des siècles consacrés à l’enregistrement de leurs mesures méthodiques et persévérantes, ils savaient que la Lune revient devant les mêmes étoiles tous les 27j 07h 43m14s4, soit une différence minime de 2,5 secondes par rapport aux valeurs de l’astronome Le Verrier, et elle revient devant le Soleil tous les 29j12h44m03s3, en moyenne, avec une différence encore plus infime de 0,4 seconde par rapport aux valeurs récentes.

 

Les boucles de rétrogradation des planètes, tablette de Istar-suma-iris

La tablette d’Istar-suma-iris, K2894 du British Museum, traduite par R. C. Thompson*, 1900, montre que les astronomes-astrologues chaldéens connaissaient ”les boucles de rétrogradation des planètes avant même la chute de Ninive :

« La planète de Mars à sa plus grande puissance devint splendide et elle resta ainsi plusieurs semaines successives. Puis, pendant autant de semaines, elle devint rétrograde pour reprendre ensuite son cours habituel, et elle parcourut ainsi deux [ et/ou] trois fois la même route. La grandeur de la rétrogradation ainsi parcourue trois fois – deux fois dans un sens et une fois dans l’autre – fut de 20 Kasbu (20 degrés) ».

Tablette d’Istar-suma-iris

Le terme moderne de ”boucle de rétrogradation” est un peu exagéré car il s’agit de boucles très aplaties, beaucoup plus que la boucle d’un trombone. Pour les astronomes chaldéens qui observaient à l’œil nu, la planète repartait sur la même route mais en sens inverse puis à nouveau la même route dans le sens direct. «Trois fois la même route» comme gravé sur la tablette d’Istar-suma-iris.

La boucle de rétrogradation d’une planète est un mouvement ”apparent” tel qu’on le voit de la Terre. Ces boucles apparentes sont dues au changement de position de la Terre au cours de son orbite annuelle. Il est bien évident que les planètes décrivent des orbites elliptiques et tournent toujours dans le même sens.

Il est extrêmement rare que Jupiter et Saturne fassent leurs boucles de rétrogradation en même temps et au même endroit du ciel comme en 7/6 B.C. Ce phénomène est rare, mais il n’est pas spectaculaire car très lent. D’une nuit à l’autre le changement est imperceptible, mais ce qui interpelle l’observateur c’est le mouvement des deux planètes entre elles. Jupiter et Saturne semblent alors jouer au chat et à la souris, elles exécutent un ballet synchronisé et naviguent de conserve : Jupiter, plus rapide, décrit parmi les étoiles une boucle de 10° autour de Saturne plus lente qui décrit une boucle de 7° ; Jupiter double ainsi Saturne à 3 reprises (d’où le nom de triple conjonction), et les deux planètes ne se quittent jamais à plus de 2°8 pendant 8 mois. Au début de 6 B.C. il s’y enchaîna un 2e événement quand Mars vint rejoindre Jupiter et Saturne juste pendant ces mois-là. Dernière originalité, ce regroupement de Mars, Jupiter et Saturne se fit à proximité du point d’équinoxe et à la date de l’équinoxe de 6 B.C. On vit alors descendre sur l’horizon à la fin du crépuscule, quasiment à la verticale, le Soleil, Saturne, Mars, Jupiter et la Lune, et toutes plein Ouest alors qu’à l’ordinaire, dans la même nuit, les planètes se couchent à des azimut dispersés irrégulièrement entre le Sud-Ouest et le Nord-Ouest.

Une petite phrase de cette tablette  « Mars à sa plus grande puissance » dévoile la perspicacité des astronomes chaldéens qui s’étaient aperçu que l’éclat de Mars varie beaucoup (multiplié par 49 pour une distance à la Terre multipliée par 7). Cette observation chaldéenne est pertinente car on sait que Galilée (1615, lettre à Christine de Toscane) s’est appuyée sur cette variation d’éclat de Mars pour démontrer que l’héliocentrisme a une réalité physique et n’est pas seulement un modèle mathématique comme l’avait montré Copernic.

 

L’anomalie de la vitesse de la Lune : tablette d’Akkullanu

— Voici maintenant la tablette d’Akkullanu, tablette n°166 transcrite par Reginald Thompson*, 1900. :

« Quand la Lune et le Soleil sont vus en même temps le 16e jour du mois, la guerre doit être déclarée au roi. Quand le 14e et le 15e jour de Tammuz la Lune n’est pas visible en même temps que le Soleil, le roi sera assiégé dans son palais. Quand elle est visible le 16e jour, félicité pour l’Assyrie, malheur pour Accad et pour l’Occident ».

Tablette d’Akkullanu

— Mais c’est de l’astrologie, mélangée avec de l’astronomie !

— Oui, mais quelle belle astronomie! Qui donc sait encore aujourd’hui que de la Nouvelle Lune à la Pleine Lune il s’écoule tantôt 14, tantôt 15, tantôt 16 jours ? Qui sait que la Lune se décale plus vite dans le ciel quand elle est au plus près de la Terre, au périgée, et plus lentement quand elle est au plus loin, à l’apogée ? Qui connaît, comme les chaldéens, ”l’anomalie de la vitesse” de la Lune…de Jupiter…de Saturne… qui constitue l’ossature de la ”loi des aires” de Képler, sa loi essentielle d’où il déduisit, dix ans plus tard, sa loi sur les orbites elliptiques des planètes.

— Moi j’ai découvert cette anomalie de la vitesse en examinant les dates Nouvelles Lunes et des Pleines Lunes dans le calendrier de la poste. Ainsi, pour 2016, en janvier et février il s’écoulera 14 jours de la N.L à la P. L. car la Lune, alors au périgée, va plus vite, tandis qu’en juillet et août 2016, il s’écoulera 16 jours de la N.L. à la P.L. car la Lune, désormais à l’apogée, sera alors plus lente.

— Oui, la Lune revient au périgée tous les 27 jours environ d’où un décalage avec la phase lunaire : elle reviendra tantôt à la N.L.… et tantôt à la P.L. (6 lunaisons plus tard environ).

— Un soir, un copain astronome-amateur m’a fait la démonstration : cette nuit-là, la Lune était à l’apogée, en quatre heures seulement (une soirée télé) j’ai vu la Lune se décaler de 3 fois son diamètre par rapport à une étoile voisine, et 14 jours plus tard, alors qu’elle était au périgée, plus rapide donc, la Lune s’est déplacée de 4 fois son diamètre durant le même temps par rapport à une étoile du champ. Je suppose que les chaldéens faisaient la même chose.

J’ai compris la loi des aires de Képler en regardant la vidéo  de l’ESO, l’Observatoire européen austral, sur le site https://www.eso.org/public/france/videos/eso0226a/.  La vidéo montre la rotation d’une étoile autour du Trou Noir situé au centre de notre Galaxie. On voit très bien l’accélération de l’étoile quand elle approche de son périgée, c’est la même chose pour les planètes autour du Soleil, et pour la Lune autour de la Terre.

— Oui, c’est bien, tout à l’heure je te donnerai les vitesses de Jupiter au périgée et à l’apogée. Pour les chaldéens c’était plus facile que pour toi avec ton calendrier des postes car leur calendrier, lunaire, alternait les mois de 29 jours et de 30 jours. Ainsi, le mois débutait toujours à la Nouvelle Lune ;  les Pleines Lunes et donc les éclipses de Lune survenaient les 14, 15 ou 16 du mois. Ces astronomes avaient mesuré que la Lune se décale de 11°05’05’’ par jour par rapport aux étoiles quand elle est à son apogée, et de 15°16’05’’ quand elle est au périgée (valeurs chaldéennes transmises par Géminos de Rhodes* fl. 55 B.C. (fl.= florès, fleur de l’âge, fleur de l’œuvre).

Ainsi, les astronomes chaldéens savaient que la vitesse de la Lune est plus rapide au périgée, de 38%, qu’à l’apogée. Cet effet important que tu as déjà observé pour la Lune, tu peux aussi l’observer pour Jupiter et Saturne qui ont une ellipticité marquée ; c’est indispensable pour prévoir les dates des conjonctions de Jupiter et de Saturne (simples et triples) car cette ellipticité introduit un retard ou une avance qui peut atteindre une année. Avec leur technique simple, les Chaldéens avaient méthodiquement compté qu’:

« en 345 ans, la Lune est revenue 4612 fois devant la même étoile et elle est passée 4573 fois au périgée, soit 39 tours de différence en 345 ans »

Kidinnu, astronome chaldéen, cité par Kugler*

Selon les valeurs de Kidinnu, 4e siècle B.C., la Lune revient au périgée, c’est-à-dire à sa vitesse maximum, tous les 27jours13h18m34s,7 avec une erreur infime de 4s6 ; on appelle cette durée le mois anomalistique de la Lune en raison de ”l’anomalie” de sa vitesse. Selon les mêmes mesures chaldéennes la Lune revient au périgée et simultanément devant une même étoile du zodiaque tous les 8 ans 309 jours, et selon André Danjon, 1959, tous les 8 ans 310 jours.

 

Traversée de l’écliptique par la Lune, pour la prévision des éclipses

Les Chaldéens qui cherchaient à prévoir les éclipses savaient qu’il n’y a pas une éclipse de Soleil à chaque Nouvelle Lune, ni une éclipse de Lune à chaque Pleine Lune car le plan de l’orbite de la Lune est incliné de 5° sur l’écliptique. Pour qu’il y ait éclipse il faut impérativement que la Lune soit proche de l’écliptique, sur la route où circule le Soleil ; ils savaient que les éclipses peuvent se produire toutes les 6 lunaisons en général, parfois toutes les 5 lunaisons. De manière très simple, les astronomes chaldéens enregistraient chaque passage de la Lune sur la ligne de l’écliptique lorsqu’elle revient du côté nord, c’est-à-dire du côté de la constellation du Dragon (le dragon qui ”avalait” le soleil ou la lune lors des éclipses, pour les Anciens). Neugebauer*, 1955, spécialiste de l’astronomie chaldéenne rapporte que le célèbre astronome grec Hipparque utilisa la valeur de ce cycle du Dragon que les chaldéens avaient enregistré après plusieurs siècles qu’ :

« en 5 458 lunaisons la Lune a traversé 5 923 fois l’écliptique, du sud au nord »

Kidinnu, astronome chaldéen, cité par Kugler*

côté du Dragon soit un mois draconitique de 27jours5h5m35s8 avec une erreur infime de 0s2. Ils étaient ainsi en mesure de prévoir les éclipses de Lune, et même de Soleil ce qui est beaucoup plus difficile, mais ils ne pouvaient définir la zone de visibilité c’est-à-dire la bande d’ombre sur la Terre qui serait balayée par l’éclipse de Soleil, ni prévoir si l’éclipse serait totale ou partielle, ni à quelle heure elle aurait lieu.

British Museum : éphémérides chaldéennes pour 7/6 B.C.

 

 

British Museum : éphémérides chaldéennes pour 7/6 B.C.


— Je me dirige vers le British Museum, le temple où sont conservés les tablettes de la bibliothèque d’Assurbanipal déchiffrées par Strassmaier, Epping et Kugler qui nous ont dévoilé cette brillante astronomie  chaldéenne.

— Ce sont les éphémérides astronomiques pour l’an 305 de l’ère des Séleucides qui nous intéressent, elles prévoient les positions du Soleil, de la Lune et des 5 planètes pour l’année à venir, 7/6. B.C. Ces tablettes proviennent de l’Ecole d’Astronomie de Borsippa, située à 20 km au sud de Babylone : trois exemplaires, LBAT 1193-5, de ces éphémérides sont jalousement gardées ici au British Museum et ont été déchiffrées par l’assyriologue  britannique Theophilus Pinches*, un quatrième exemplaire, LBAT 1196, conservé au Vorderasiatishes Museum de Berlin a été traduit par Schnabel* et Schaumberger en 1925. Le contenu intégral de ces éphémérides extraordinaires a été publié en 1984, sous le titre Kepler’s View of the Star of Bethlehem and the Babylonian Almanac for 7/6 B.C., par A.J. Sachs et C.B.F. Walker*, avec le British Institute for the Study of Iraq, archives JSTOR. Ces éphémérides astronomiques renouvellent le sujet de l’Etoile des Rois Mages, elles confirment que les astronomes chaldéens étaient en mesure de  prévoir les triples conjonctions de Jupiter et de Saturne on s’en doutait depuis Guilllaume Bigourdan*, 1911, mais aujourd’hui on en a réellement la preuve.

— Comment cela ?

— Ces éphémérides prévoient 142 positions des 7 planètes dans le zodiaque, et les dates de leur entrée dans un nouveau signe, au cours de 13 mois lunaires s’échelonnant du 1er avril 7 B.C. au 19 avril 6 B.C. Ces mois lunaires, numérotés de 1 à 13, sont alternativement de 29/30/29/30 jours. Ils débutent à la Nouvelle Lune. Pour cette année-là « une éclipse de Lune était prévue le 13 avril 7 B.C., 5 mois après l’éclipse précédente, et une éclipse de Soleil le 29 avril. Six mois plus tard, aucune éclipse de Lune n’est prévue mais le 23 septembre au matin on devrait observer une éclipse de Soleil. Six mois encore, le 4 avril de 6 B.C., une éclipse de Lune passera et le 18 avril 6 B.C. une éclipse de Soleil doit être regardée ».


british

Tablette chaldéenne en écriture cunéiforme du site de Borsippa à Babylone. Ces Ephémérides astronomiques prévisionnelles pour l’an 305 de l’ère des Séleucides portent sur 13 mois lunaires à venir ; elles ont été publiées en 1984 par A.J. Sachs et C.B.F. Walker, sous le titre Kepler’s View of the Star of Bethlehem and the Babylonian Almanac for 7/6 B.C., avec le British Institute for the Study of Iraq, archives JSTOR. Remerciements de l’auteur.


 

Les boucles de Jupiter et de Saturne prévues pour 7/6 B.C.

— C’est curieux, les assyriologues Sachs et Walker* font remarquer qu’il n’y a aucune mention d’une ”triple conjonction” ni même d’une ”conjonction”.

— Exact, le mot de ”conjonction” n’y figure pas. Il n’a pas sa place dans cette liste de 142 couples dates+positions mais la triple conjonction y est décrite en détail avec les 5 paramètres d’orbite de Jupiter et les 5 de Saturne qui définissent leur ”triple conjonction”.

— C’est dommage que ces éphémérides n’indiquent pas non plus les 3 dates où Jupiter se trouve au plus proche de Saturne. C’est quand même amusant pour le spectacle : durant les jours qui précédent les conjonctions on se demande si les planètes vont se ”joindre”.

— En fait comme les deux planètes ne circulent pas strictement dans le plan de l’écliptique mais dans des plans légèrement inclinés (1°18’ pour Jupiter et 2°29’ pour Saturne)  elles sont décalées en latitude et se doublent à 1, 2 ou 3 diamètres lunaires l’une de l’autre selon leur position dans le zodiaque. Pas de ”crash” possible, aucune angoisse, puisque les chaldéens savaient que Saturne passe derrière Jupiter. Certains, aujourd’hui encore s’imaginent que lors d’une ”conjonction” les deux planètes se ”rejoignent”, se fondent en une seule ; ils pensent même expliquer ainsi le fort éclat de l’étoile de Bethléem.

Il convient de traiter Jupiter et Saturne indépendamment. Au cours d’une année la Terre change continuellement de position en décrivant son orbite autour du Soleil. Cinq dates sont cruciales quand Jupiter (ou Saturne) se trouve dans une position bien repérable par rapport au Soleil : Jupiter à l’opposé du Soleil (position Θ) ; Jupiter à 90° du Soleil (positions Φ et Ψ), Jupiter à son premier lever (position en Γ), et à son dernier coucher (position en Ω).

Dans l’ordre chronologique, ces 5 dates sont :

  1. – le jour où la planète, en Γ, est visible pour la première fois le matin à son lever, juste avant celui du Soleil,
  2. – le jour de la première station où la planète, alors en Φ, va repartir dans le sens rétrograde,
  3. – le jour de l’opposition quand la planète, en Θ, est à l’opposé du Soleil,
  4. – le jour de la deuxième station où la planète, en ψ, va reprendre le sens direct,
  5. – le jour où la planète alors en Ω est visible pour la dernière fois, le soir au coucher, juste après celui du Soleil.

 

Les dates des stations, des premiers levers et derniers couchers

— Je vais lire les dates correspondantes prévues dans les tablettes :

« Le 1er avril 7 B.C. [début des éphémérides] Jupiter [déjà levé] dans la constellation des Poissons. Le 3 avril 7 B.C. Saturne sera visible pour la première fois dans la constellation des Poissons. Le 19 juillet Jupiter atteindra son 1er point stationnaire à la fin des Poissons. Le 26 juillet Saturne atteindra son 1er point stationnaire à la fin des Poissons. Le 15 septembre, [le même jour] Jupiter et Saturne, seront en opposition avec le Soleil »

Tablette chaldéenne de 7/6 B.C.

c’est alors l’alignement héliocentrique parfait : Soleil-Terre-Jupiter-Saturne ; les 4 astres alignés le même jour c’est une triple conjonction très rare et parfaitement symétrique.

« Le 11 novembre 7 B.C. Jupiter atteindra son 2e point stationnaire dans les Poissons. Le 13 novembre 7 B.C. Saturne atteindra son 2e point stationnaire dans les Poissons. (Le 6 février 6 B.C. Jupiter atteindra le Bélier). Le 27 février 6 B.C. Saturne sera visible pour la dernière fois à la fin des Poissons. Le 21 mars 6 B.C. Jupiter sera visible pour la dernière fois dans le Bélier ».

Tablette chaldéenne de 7/6 B.C.

— J’ai hâte de vérifier.

 

Lever ”acronocturne” simultané de Jupiter et de Saturne

Les éphémérides chaldéennes déchiffrées par Sachs et Walker ont été traduites selon la terminologie astronomique internationale acronychal rising. L’origine est le mot grec akronuctos de akros, extrême et nux, nuctos, la nuit. Les anglo-saxons traduisent cet adjectif par acronychal où l’on discerne encore night. Le Littré et le Robert traduisent acronyque, l’étymologie est donc perdue en français, c’est dommage, pire le mot fait songer à kronos le Temps. On peut traduire littéralement acronychal rising, ou plutôt akronuctos, par ”lever acronocturne”, ”lever acronuctal”, ou tout simplement ”lever à l’extrême nuit” ou lever crépusculaire puisqu’il s’agit d’un astre qui se lève au moment où le Soleil disparait à l’horizon. La planète (ou l’étoile) est alors en opposition avec le Soleil, et ici, chose très rare, le même jour pour Jupiter et Saturne: le 15 septembre 7 B.C.


boucle

Boucles de rétrogradation : en haut Jupiter sur 10° de longitude environ, au-dessous Saturne sur 7° environ de longitude.

Reconstitution des positions qui correspondent aux dates des éphémérides chaldéennes de Sachs et Walker :

Γ, première visibilité :Jupiter (24) mars 7 B.C., Saturne 3 avril 7 B.C.

Φ, 1ére station : Jupiter 19 juillet 7 B.C., Saturne 26 juillet 7 B.C.

Θ, opposition : Jupiter 15 sept. 7 B.C, Saturne, 15 sept. 7 B.C.

Ψ, 2e station : Jupiter 11 nov. 7 B.C., Saturne 13 nov. 7 B.C.

Ω, dernière visibilité : Jupiter 21 mars 6 B.C, Saturne 27 fév. 6 B.C.


Du Bureau des Longitudes à http//www.stellarium.org

 

 

Du Bureau des Longitudes à http//www.stellarium.org

 

 — Je vois les boucles de la Seine.

— On n’a pas le temps d’aller au Louvre, on ne verra pas les tablettes de la Création des astres déchiffrées par Thureau-Dangin, ni celles de l’Ecole d’Uruk qu’il publia en 1922 ; cette Ecole d’astronomie, comme celles de Babylone et de Sippar sont citées par Pline. Voici, l’Observatoire de Paris et le Bureau des Longitudes, ce haut lieu de la Mécanique Céleste où résonnent les noms de ses célèbres Géomètres et Astronomes : Lagrange et Laplace, Delambre pour ses tables de position des planètes, Le Verrier pour les orbites planétaires, Delaunay pour le mouvement de la Lune, et aujourd’hui des chercheurs de l’IMCCE, Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides : Bretagnon et Simon qui ont établi de nouvelles tables de positions des planètes, et Laskar qui a calculé le ” balourd ” que Jupiter et Saturne pourraient provoquer à très long terme dans le système solaire (théorie du chaos).

 

Stellarium

— Regarde comme c’est facile aujourd’hui, plus besoin des calculs de Képler pour voir l’étoile de Bethléem. Sur n’importe quel PC ou Apple je peux télécharger gratuitement le logiciel stellarium  www.stellarium.org ; sur l’écran je peux visualiser le ciel étoilé, tel qu’il était 99 999 ans avant notre ère ou sera en l’an 100 000  de notre ère, et pour tous les points de la Terre.

— Oui, tu as de la chance, c’est le fruit des mesures et des calculs des astronomes depuis les Sumériens jusqu’aux astrophysiciens de la Nasa et de l’Esa. Imagine-toi que le meilleur calculateur, Charles Delaunay, 1860, mit une dizaine d’années à établir la Théorie du Mouvement de la Lune, avec, entre autres, une équation de 461 termes et 138 pages qui ne put être vérifiée qu’un siècle plus tard avec le Cray de l’Ecole polytechnique.

— Regarde, je choisis d’abord l’année, le mois, le jour, l’heure, minutes et secondes ; attention il convient d’afficher ”-6” pour l’an 7 B.C. Comme site d’observation, je choisis Babylone, les éphémérides viennent de là et les mages l’ont vu là ; Babylone est la même latitude que Bethléem, et d’ailleurs les planètes, situées sur l’écliptique, sont visibles de tout le monde habité, avec un léger décalage de fuseau horaire. Je positionne le Sud en face de moi comme les astronomes ; les marins eux s’orientent face au Nord, au compas. Les étoiles, les planètes et les galaxies sont là, les constellations et le zodiaque sont dessinées. Je vais chercher cette Etoile de Bethléem, en cliquant sur Jupiter ou sur Saturne, je peux ouvrir un encadré détaillé de ses coordonnées et magnitude, je peux même faire apparaître ses satellites. Je fais apparaître la ligne d’horizon (de couleur verte) et surtout l’écliptique (ligne bleu) et l’équateur (ligne rouge) avec le point d’équinoxe situé à leur intersection, au début de notre ère il était alors dans la constellation des Poissons à la limite du Bélier.

— Comme exemple tu pourrais prendre la date du -5/2/21, en 6 B.C. vers 17 heures.

— J’y suis, le Soleil vient de se coucher, suivi de Saturne, Mars, Jupiter et la Lune, les cinq astres se couchent plein Ouest alors que d’ordinaire leurs couchers s’échelonnent du Sud-Ouest au Nord-Ouest, ils descendent presque à la verticale.

— Tiens, tiens, cela me fait penser à une lettre d’Ignace d’Antioche au Ier siècle où il décrit « un cortège d’astres, accompagné de la Lune et du Soleil ». Allons comparer le phénomène astronomique et la description de l’étoile de Bethléem dans les premiers textes évangéliques.

— Par curiosité, je voudrais vérifier si l’éclipse de Soleil prévue pour le 18 avril de 6 B.C. a eu lieu. Oui, la Lune était bien sur l’écliptique, l’éclipse a bien eu lieu, malheureusement le Soleil venait de se coucher à Babylone, en Crête ils l’auraient vu.

— Tu contrôleras plus tard si les prévisions de ces tablettes-éphémérides sont correctes. Je n’ai aucun doute pour Jupiter tout est correct au jour près. Pour Saturne c’est également parfait pour les dates de son opposition au Soleil, et de sa première et dernière visibilité, mais ils se sont trompés d’une semaine pour les dates de la 1ère et 2e station car ils ont surcorrigé sa vitesse au périgée, je t’expliquerai.


stelarium

Image www.stellarium.org, Remerciements de l’auteur.

« Cet astre jetait un éclat qui surpassait celui de tous les autres astres. Le soleil, la lune et les autres astres lui servaient comme de compagnie, et formaient son cortège. Il dominait sur tout cela par son éclat, et tout le monde était dans l’admiration en considérant cette nouvelle lumière ».

Lettre d’Ignace d’Antioche aux Ephésiens

Au-dessus de l’horizon (la ligne verte) ”l’Astre”, Jupiter, accompagné de Saturne et Mars ; la Lune, au-dessus, ferme le cortège cette nuit-là. Au-dessous de l’horizon le Soleil qui vient de se coucher ; en fin de nuit, à l’aube, Vénus puis Mercure apparaîtront à l’Est avant le lever du Soleil.


 

 

Rythme des conjonctions ordinaires de Jupiter et de Saturne

Jupiter parcourt le zodiaque en 12 ans et Saturne en 30 ans. La fréquence de leurs rendez-vous (leurs conjonctions) est encore un problème de ”courriers”, c’est ainsi que l’on appelait ces problèmes du certificat d’études au 19: une diligence effectuait un circuit navette dans les villages pour amener les voyageurs à la gare de la ville à l’heure de la correspondance. Faisons un calcul grossier avec des chiffres arrondis : au bout de 12 ans Jupiter aura fait 1 tour, et au bout de 20 ans (12+8) Jupiter aura parcouru 1 tour + 2/3 de tour, tandis que Saturne en 20 ans aura parcouru 2/3 de tour seulement, puisqu’il lui faut 30 ans pour faire 1 tour. Jupiter et Saturne sont alors au rendez-vous, et Jupiter prend 1 tour d’avance.

Après une conjonction initiale numérotée ”0” dans un signe du zodiaque, la conjonction suivante de Jupiter et de Saturne se déroulera 20 ans plus tard dans une autre partie du zodiaque, à 120° environ, une deuxième conjonction 40 ans plus tard à 240°, et une troisième, 60 ans plus tard, reviendra dans le signe du zodiaque d’origine ”0”, avec un décalage de 8° si l’on prend les chiffres exacts. Ces trois signes du zodiaque sont situés en ”trigones”, Képler reprend ici la terminologie des astrologues, mais ce ne sont pas des triangles équilatéraux rigoureux, les longitudes des conjonctions se décalent à un rythme tel que 102°, 122°, 130°, 102°, 122°…. En effet les trois angles parcourus dans le zodiaque ne sont pas égaux car les vitesses de Jupiter et de Saturne sont plus rapides quand elles sont au ”péri-hélie ” au plus près d’hélios le Soleil, et plus lentes quand elles sont à l’” ap-hélie ” au plus loin du Soleil. En raison du décalage moyen de 8°, après tantôt 3 fois 60 ans, tantôt 4 fois 60 ans, les conjonctions se produiront désormais dans les 3 signes zodiacaux adjacents, puis dans 3 autres signes adjacents et enfin dans les 3 derniers signes du zodiaque situés, eux aussi situés en trigone.

Prenons un exemple en sélectionnant les conjonctions de Jupiter-Saturne qui vont se produire dans le signe des Poissons. Il y eut une série de 4 conjonctions (dont celle de 7 B.C.) entre 125 B.C. et 54 A.D. ; une 2e série, 3 conjonctions entre 729 et 848 ; une 3e série, 3 conjonctions entre 1464 et 1643 ; tandis qu’une 4e série de 3 conjonctions est prévue entre 2259 et 2378. Et ainsi de suite pour les autres signes du zodiaque ; tout est alors comblé, de 20 en 20 ans. En tout 13 conjonctions Jupiter-Saturne dans la constellation des Poissons pour une période de 3100 ans environ, et 1 seule d’entre elles était une triple conjonction, celle de 7 B.C.

 

Rythme des triples conjonctions de Jupiter et de Saturne

Les simples conjonctions de Jupiter et de Saturne se produisent donc régulièrement, tous les 20 ans en moyenne ; Jupiter dépasse alors Saturne, sans retour en arrière.

Les triples conjonctions sont rares, il faut qu’au moment où le Soleil, Jupiter et Saturne sont alignés, la Terre soit elle-même située dans la bonne perspective c’est à -dire : très proche de cet alignement, située entre Soleil et Jupiter, et dans un créneau de plus ou moins 20 jours en moyenne. C’est en raison de cette position particulière de la Terre durant ces 40 jours que Jupiter et Saturne semblent repartir en arrière avant de reprendre leur course ordinaire après 3 dépassements ou conjonctions.

Les triples conjonctions sont 9 fois plus rares, tous les 180 ans en moyenne, elles sont très irrégulières, mais toujours un multiple de 20 ans : aussi bien 2×20 ans, 4×20 ans,…, que 15×20 ans, 17×20 ans et même 19×20 ans ; à l’époque Babylonienne il s’était écoulé 380 ans sans aucune triple conjonction.

Il y a peu de chances de voir se reproduire, à moins de 15 000 ans, l’enchaînement d’une triple conjonction Jupiter-Saturne et d’une Grande Conjonction Mars-Jupiter-Saturne à 5° seulement du point d’équinoxe.

 

Les périodes orbitales de Jupiter et Saturne selon les chaldéens

Pendant plusieurs siècles, sans aucune discontinuité, les chaldéens avaient enregistré les cycles des planètes dans le zodiaque. Ils avaient noté que Jupiter avait parcouru 36 fois le zodiaque en 427 ans après avoir rejoint le Soleil 391 fois, et donc ils savaient que Jupiter effectue un tour dans le zodiaque en 11,861 ans avec seulement 1 jour d’écart par rapport aux valeurs modernes. Ils avaient également compté que Saturne parcourt 9 fois le zodiaque en 265 ans après avoir rejoint le Soleil 256 fois, et donc que Saturne effectue un tour en 29,444 ans avec 5 jours d’erreur seulement. Avec une telle précision ils savaient que Jupiter et Saturne se retrouvent en conjonction tous les 19,862 ans ”en moyenne”. Mais ces astronomes ne se contentaient pas d’une date ”moyenne” de retour, ils savaient calculer la date exacte des nouvelles conjonctions en tenant compte de la vitesse de Jupiter et de Saturne au voisinage de leur apogée ou de leur périgée.

Pour Jupiter, les paramètres d’orbite étaient particulièrement précis et détaillés, et, par chance, ils ont tous pu être conservés ce qui n’est pas le cas pour Saturne. Les chaldéens avaient ainsi mesuré que le déplacement moyen de Jupiter le long de l’écliptique entre deux oppositions de Jupiter au Soleil était de 33°08’45’’ avec une erreur infime de 1’’5 par rapport aux tables de Le Verrier ; une précision inouïe de 1 sur 80 000 qui leur aurait permis de discerner les perturbations de Saturne sur Jupiter selon les travaux de Kugler* cités par Bigourdan*.

 

Vitesses de Jupiter et de Saturne au périhélie et à l’aphélie

Les chaldéens, de bons observateurs, avaient repéré que Jupiter et Saturne ne se déplacent pas à la même vitesse au périhélie au plus près du Soleil, et à l’ap-hélie au plus loin du Soleil. En raison de la position de la Terre et en raison de cette anomalie des vitesses de Jupiter et de Saturne, le temps qui s’écoule entre deux conjonctions successives varie entre 18 ans 10 mois et 20 ans 8 mois; les tablettes chaldéennes pour 7/6 B.C. ont prévu le retour de cette conjonction au jour près : le 15 septembre 7 B.C.

Les chaldéens mesuraient méthodiquement le déplacement de Jupiter et de Saturne dans le zodiaque. Entre deux réapparitions successives de la planète, ils comptaient 399 jours en moyenne pour Jupiter et 378 jours pour Saturne nous en reparlerons en parlant des levers des astres. Ils avaient mesuré que le déplacement annuel de Jupiter dans le zodiaque était maximum dans les Poissons 38°02’ et minimum dans la Vierge 28°15’30’’ ; un écart important de 10°, facile à mesurer. Ils fixaient le périhélie de Jupiter dans les Poissons à 9°5 de longitude.

Pour Jupiter les chaldéens avaient partagé le zodiaque en 4 zones : 1 au périgée, 1 à l’apogée, 2 zones intermédiaires. Voici les valeurs de ces déplacements ou ”arcs synodiques” selon leur position dans le zodiaque : 36° dans la zone Capricorne-Verseau-Poissons-Bélier à forte vitesse, 33°45’ dans la zone Taureau-Gémeaux à vitesse intermédiaire, 30° dans la zone Cancer-Lion-Vierge-Balance à faible vitesse et 33°45’ dans la zone Scorpion-Sagittaire à vitesse intermédiaire.

— Voilà je me sens armé pour vérifier les prévisions des éphémérides de l’année 7/6 B.C. Je me connecte sur stellarium. Pour Jupiter les 5 dates des 5 positions-clés orbitales sont précises à un jour près. Pour Saturne les dates sont correctes pour le premier lever comme pour le dernier coucher, mais je me demande si les rois mages qui avaient  calculé le jour du retour de Saturne ont pu l’observer le jour de son premier lever car Saturne (magnitude 1,14), plus faible que Mercure (magnitude -0,28) et plus proche du Soleil, devait être difficile à observer. La date de l’opposition de Saturne au Soleil est également correcte, peut-être la date du 14 septembre irait-elle mieux que le 15 ? Je suis étonné de trouver 18 jours d’erreur pour la 1ère station de Saturne et 8 jours d’erreur pour la 2e station.

— C’est exact, ils avaient calculé 110 jours entre les deux stations de Saturne alors qu’en moyenne c’est proche de 136 jours. Leurs tables de Saturne n’avaient que deux zones, celle du périgée à fort déplacement et celle de l’apogée à faible déplacement, mais le périgée de Saturne n’est pas situé dans les Poissons, Saturne était alors dans une zone à vitesse intermédiaire, ils auraient du effectuer leurs calculs avec sa vitesse moyenne plutôt que de sur-corriger à l’excès.

 

Callisthène et l’astronomie chaldéenne

Ne quittons pas l’Observatoire de Paris sans parler de Guillaume Bigourdan*, le premier astronome qui fit connaître en France les découvertes des premiers assyriologues Epping, Strassmaier et Kugler. Son livre L’astronomie, 1911, explique à merveille l’astronomie chaldéenne et grecque ; il reste sur ce sujet un livre solide et abordable en langue française.

— Nous aussi les astronomes-amateurs on utilise souvent le livre de Bigourdan* qui retrace les méthodes de l’Astronomie depuis les chaldéens et les grecs jusqu’au 19e siècle, mais ce n’est pas si simple pour comprendre le mouvement des planètes, heureusement on a stellarium à côté.

— Bigourdan* est aussi l’astronome dessiné par Hergé dans ”l’Etoile mystérieuse : on le voit brandir avec joie le spectre d’un nouveau métal, le ”callisthène”, spectrographié dans cet aérolite qui tombera dans les mers polaires. Hergé a donné à l’Astronome de l’Observatoire de Paris le nom de Callisthène, un bel hommage à son travail.

En effet Callisthène, 360-320 B.C., est l’astronome grec qui, à la demande d’Aristote, accompagna Alexandre le Grand dans ses conquêtes en Asie, il recueillit les connaissances astronomiques des Chaldéens qui remontaient à 1903 ans auparavant selon Bérose. L’astronomie chaldéenne était alors à son apogée marquée par les noms de Kaksidi et Nabouramanni au 5e siècle B.C., puis Kidinnu au 4e siècle B.C.

Mais, que nous apprend l’évangile de Matthieu sur l’Etoile et les Mages ?

Monastère sainte Catherine au Sinaï : les évangiles de Matthieu et de Luc

 

 

Monastère sainte Catherine au Sinaï :

les évangiles de Matthieu et de Luc

 

— C’est ici dans le désert du Sinaï dans le monastère orthodoxe-grec de sainte Catherine d’Alexandrie que sont conservés les plus anciens manuscrits du nouveau testament, le Codex Sinaïticus, découvert en 1841 par Constantin Tischendorf*. Intéressons-nous aux manuscrits en langue grecque des évangiles de Matthieu et de Luc. L’évangile de Matthieu rapporte l’arrivée de Rois Mages, des astronomes chaldéens qui avaient vu une Etoile et sont venus adorer « le nouveau roi des Juifs ». L’évangile de Luc présente la Nativité, entourée de bergers et d’anges, et lors du « recensement du monde habité » décrété par l’empereur Auguste. Il conviendra de vérifier si la date de ce recensement coïncide avec la triple conjonction de Jupiter et de Saturne calculée dans les tablettes en écriture cunéiforme.

— Je me souviens du récit des Mages.

— Certes mais ici c’est l’original, en grec pas en latin, et traduit directement en français, en 1923, par Marie-Joseph Lagrange*, un père dominicain (O.P., Ordre des Prêcheurs) qui fonda l’Ecole biblique française de Jérusalem en 1890 à la demande de Léon XIII. Ce pape libéral recommandait une traduction laïque des textes bibliques fondée sur la critique rationnelle des textes, sur la philologie et sur une exégèse scientifique. Tu va voir toutes les différences qui s’imposent aujourd’hui.

 

Le texte de Matthieu

— Je lis :

« Or Jésus étant né à Bethléem de Judée au temps du roi Hérode, voici que des Mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem, disant « Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Car nous avons vu son ”astre” [au lieu d’une étoile] à ”son lever” [au lieu de à l’Orient] et nous sommes venus l’adorer ». L’ayant appris, le roi Hérode fut troublé et Jérusalem tout entière avec lui, et ayant assemblé tous les princes des prêtres et les scribes du peuple, il s‘informait auprès d’eux où devait naître le Christ. Ceux-ci lui dirent : « A Bethléem de Judée ; car il est ainsi écrit par le ministère du prophète : Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n’es point la plus petite parmi les princes de Juda. Car de toi sortira un chef, qui doit paître mon peuple, Israël ». Alors Hérode, ayant fait appeler secrètement les Mages, apprit d’eux exactement le ”Temps” de ”l’apparition de l’astre”, et ”les ayant mis sur le chemin de Bethléem”, il dit : « Allez, enquérez-vous exactement de l’enfant, et, lorsque vous l’aurez trouvé, annoncez-le moi, afin que moi aussi j’aille me prosterner devant lui ». Sur ces paroles du roi, ils partirent, et voici que ”l’astre” qu’ils avaient vu ”à son lever” [au lieu de à l’Orient], les précédait jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant. ”A la vue de l’astre ils se réjouirent vivement d’une grande joie”. Et étant entrés dans la maison, ils virent l’enfant, avec Marie sa mère, et, tombant à genoux ils se prosternèrent devant lui, et ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent des présents, de l’or, de l’encens et de la myrrhe».

Matthieu 2,1-11

 

Etoile ou Astre

J’ai compris, ”astre” est un terme général qui désigne aussi bien une planète qu’une étoile.

Oui tu as raison, le nom ”étoile” n’existe pas en langue grecque seulement le nom ”astre”. S’il s’agit d’un astre bien défini c’est facile, les astronomes grecs citaient son nom propre : Sirius ou Véga dans le cas d’une étoile, Mars ou Jupiter dans le cas d’une planète. Mais, dès lors qu’il s’agissait d’une famille indéfinie d’astres, et que le doute était possible, les astronomes grecs ajoutaient au nom ”astre” l’adjectif qualificatif ”planétès”, ”errant”, qui précisait qu’il s’agissait d’un astre errant dans le zodiaque (une planète) ou l’adjectif qualificatif ”aplanès”, ”non-errant” qui précisait que l’astre en question (une étoile) restait fixe par rapport aux autres étoiles, formant toutes entre elles un ensemble permanent de constellations. L’astre pouvait aussi être qualifié de ”cométès”, chevelu, une comète, ou être étiqueté ”bolos”, bolide, étoile filante .

 

A l’Orient ? ou… à son lever ?

— ”A l’Orient” ou ”à son lever”, je devine la différence. ”A l’Orient” c’est le langage d’un géographe, cette expression indique : une ”Direction”. Mais quand un copain me dit qu’il a vu Jupiter ”à son lever” je comprends qu’il a vu Jupiter au moment de son lever et qu’il s’agit d’un ”Temps” pas d’une ”Direction”.

—Tu as parfaitement raison et c’est un point essentiel qui a mené beaucoup d’exégètes sur de fausses pistes. Au début du 20e siècle, le père Lagrange* mais aussi Weiss, Loisy et Klost, commençèrent à soupçonner que le mot grec, anatolé, pouvait désigner un Temps et que les Mages étaient sans doute des astrologues ; en réalité les mages étaient des astronomes qui, depuis un millénaire déjà, prévoyaient les éclipses et les positions des planètes dans le zodiaque. Les astronomes mesurent le Temps, le Temps des événements astronomiques futurs, c’est leur métier, un métier hautement respecté.

 

…lever journalier?…ou lever annuel ?

— Il faut approfondir, il y a ”le lever journalier des astres” et ”le lever annuel des astres”.

 J’y vais, je recherche sur Google avec les mots clés ”dictionnaire grec”, je prends le ”Bailly” et le ”Charles Alexandre”. Le mot grec est ανατλε, anatolé. C’est curieux ils distinguent ”le lever du Soleil” et ”le lever d’un astre”.

 Oui le Soleil se lève chaque jour, c’est un lever journalier. Mais les étoiles ne sont pas visibles toutes les nuits de l’année : Orion est une constellation d’automne-hiver, tandis que le Scorpion et son étoile rouge Antarès  est visible au printemps-été. Les étoiles, planètes, galaxies sont visibles à deux conditions : être situé au-dessus de l’horizon et qu’il fasse nuit. Les étoiles circumpolaires comme la Grande Ourse et la Petite Ourse sont visibles pour nous tous les jours de l’année, mais la Croix du Sud n’est jamais visible à nos latitudes. Les étoiles situées en zone équatoriale, sont visibles seulement 11 mois par an en moyenne, et cela après une durée de 1 mois environ où elles restaient invisibles car noyées dans la lueur du Soleil, il s’agit alors d’un lever annuel. « L’astre se lève », c’est la terminologie des grecs, « l’astre redevient visible pour la première fois », c’est la terminologie des chaldéens pour exprimer le même phénomène astronomique qui se produit en fin de nuit, à l’aube, juste avant le lever du Soleil dont il est encore très proche.

 

Lever d’une planète

Attention, le « lever d’une étoile » c’est facile à prévoir, elle redevient visible chaque année à la même date, avec une régularité astronomique absolue.

Le calcul du « lever des planètes » est une autre affaire car elles se déplacent lentement dans les signes du zodiaque d’un tour en 30 ans pour Saturne, d’un tour en 12 ans pour Jupiter. Saturne redevient visible tous les 378 jours en moyenne et Jupiter redevient visible tous les 399 jours en moyenne ; en moyenne car la vitesse des planètes dans le zodiaque varie selon leur position plus ou moins proche du Soleil.

Les Mages chaldéens savaient même que le décalage annuel de Jupiter dans le zodiaque appelé ”arc synodique” variait de 28°15’5 à 38°02’ selon les années : plus petit à l’apogée de Jupiter , plus grand au périgée ce qui entraîne que le « nouveau lever de Jupiter » peut se produire tantôt au bout de 394,34 jours, tantôt après 404,12 jours (Kugler*, 1907, cité par Bigourdan*, 1911).

 

Les levers des signes du zodiaque …et la trigonométrie sphérique

La manière dont les astronomes chaldéens et grecs calculaient la durée du lever (ou du coucher) de chaque signe du zodiaque suscite notre émerveillement. En effet, la durée du lever d’un arc de 30° tracé le long du grand cercle de l’écliptique qui est en oblique par rapport au cercle équatorial relève de la trigonométrique sphérique où les triangles sont tracés sur une sphère et non plus sur un plan ; la somme des 3 angles du triangle n’est plus de 180°. Pour résoudre ce problème, le grand mathématicien Carl Friedrich Gauss, au début du 19e siècle, établit un système de 3 équations à 3 inconnues (consulter par exemple Michel Samoey www.astro-carl.com).

Questions pièges :

Combien de signes du zodiaque peut-on voir au cours d’une nuit ?…L’été où les nuits sont brèves, de 6 heures ?… L’hiver où les nuits sont plus longues, de 12 heures ?

— J’ai envie de répondre : 11 signes du zodiaque été comme hiver, le seul signe du zodiaque que l’on ne peut observer au cours d’une nuit c’est celui où se trouve le Soleil ce mois là. Je sais aussi qu’à nos latitudes il y a toujours 6 signes du zodiaque (½ grand cercle ou 180° de longitude) au-dessus de l’horizon, été comme hiver, et à toute heure de la nuit.

— Oui tu as raison, mais il reste une énigme puisque l’on a 12 signes du zodiaque de longueurs égales, mais qui mettent des durées inégales pour se lever ou se coucher. Géminos de Rhodes, 1er siècle B.C., l’explique ainsi :

« L’été quand le Capricorne [δ=-23°27’] culmine la nuit au méridien, le grand cercle du zodiaque est alors peu incliné sur l’horizon, le lever est rapide car le signe qui se lève se présente presque parallèlement à l’horizon et ses différentes parties font leurs levers presque en même temps ».

Et, symétriquement :

« L’hiver quand le Cancer [δ=+23°27’] culmine la nuit au méridien, le grand cercle du zodiaque est fortement incliné sur l’horizon, le lever est lent car le signe qui se lève se présente presque perpendiculairement à l’horizon ».

Géminos explique que :

« les signes du zodiaque sont égaux en dimensions, [arcs de 30° chacun], mais la durée de leurs levers sont inégales »

et il conclut :

« Dans les nuits d’hiver se lèvent les signes qui sont lents à se lever ; dans les nuits d’été se lèvent, ceux qui sont rapides à se lever ».

Géminos de Rhodes

Ainsi, comme chacun sait, pour tout astre, qu’il défile sur l’équateur ou sur un parallèle, le temps qui s’écoule de son lever jusqu’au méridien est toujours égal au temps qui s’écoule du méridien à son coucher. Mais c’est différent pour un signe du zodiaque, il ne s’agit plus du lever d’un seul point A, mais d’arcs AB de 30°de long : les uns parallèles à l’équateur, les autres inclinés par rapport à l’équateur, certains légèrement inclinés d’autres jusqu’à 23°27’, en positif comme en négatif. Dès lors on sent bien que les signes du zodiaque se présentent sous divers angles par rapport à l’horizon lors de leur lever et lors de leur coucher ; une différence d’inclinaison qui peut atteindre 46° 54’ (2×23°27’) entrainant une forte différence entre la durée du lever de ce signe du zodiaque et la durée de son coucher.

« Il y a des moments, en cours de nuit, où on compte trois signes et demi du levant au méridien et deux signes et demi du méridien  au couchant »

dit Géminos en précisant qu’il a fait ce calcul pour son île de Rhodes ( lat.=36°),

« mais il peut se faire, à la latitude 45°, que l’on compte 4 signes du zodiaque du levant au méridien, et 2 signes seulement du méridien au couchant ».

Géminos l’exprime encore d’une autre manière en disant que :

« certains signes du zodiaque se lèvent en 2h 40m, d’autres en 1h 20m »,

mais aussi :

« le même signe qui se sera levé en 2h 40m se couchera en 1h 20m ».

 

Retour au texte de Matthieu

Les dictionnaires grecs rappellent qu’anatolé, le lever du Soleil, a entrainé la direction de l’Orient, puis la région du Levant, et enfin l’Anatolie (Turquie actuelle), l’Orient pour les habitants de Byzance. Au figuré, anatolé signifie naissance, origine d’une chose ou d’un événement. On peut ajouter pour les lecteurs judéo-chrétiens des prophéties messianiques, de la bible, des évangiles et des épîtres, que anatolé, au figuré, est aussi traduit par « surgeon » ou « germe ».

— Relisons lentement le texte de Matthieu car le mot anatolé y figure à 3 reprises. Le 1er anatolé, « voici que des Mages venus « d’Orient«  c’est correct, il s’agit d’une Direction, d’un Lieu, Matthieu parle dans le langage populaire, dans un contexte géographique, les mages sont venus de quelque part, l’Orient. Le 2e anatolé, ce sont les mages qui parlent : « car nous avons vu son astre « à son lever« , c’est le premier sens du mot, il désigne un Temps, le Temps de l’apparition de l’astre, de la 1ère visibilité de l’astre. Le 3ème anatolé « et voici que l’astre qu’ils avaient vu « à son lever«  est une répétition du précédent, mise dans la bouche des Mages.

Par une coïncidence, malheureuse, les Mages sont venus d’Orient, ils auraient pu venir du Nord ou du Sud. Il s’ajoute une erreur de traduction, issue de la Vulgate latine, avec

« des Mages venus d’Orient »

qui avaient vu

« une Etoile en Orient »

ce qui confirme cette impression que les Mages ont été guidés vers Jérusalem par une étoile, ce qui est impossible, aucun astre dans le Ciel ne peut indiquer un Lieu sur la Terre.

Sur la route de Jérusalem à Bethléem, l’Etoile réapparaît devant les Mages et au-dessus de Bethléem, c’est normal Jupiter et Saturne sont alors au Sud au méridien et très haut dans le ciel, plus haut encore à la latitude de Jérusalem qu’à nos latitudes. Le texte de Matthieu suggère ici encore que les Mages suivent l’Etoile alors qu’en réalité, des guides les conduisent vers cette proche bourgade que le roi Hérode leur a désignée ; aucun risque qu’ils ne s’égarent sur cette route bien connue, ils sont certainement accompagnés par une troupe de curieux, badauds, gamins et mendiants attirés par leur riche et étrange caravane.

— Sur le parcours de Jérusalem à Bethléem, situé au Sud,

« l’astre les précédait jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’Enfant »,

la phrase n’a rien de choquant, c’est ce qui nous apparaît réellement. Dans un voyage en train, par la vitre latérale, la Lune semble nous précéder, nous accompagner, elle demeure dans la même direction tandis que les arbres et les poteaux électriques tout proches défilent à toute vitesse ; tout ceci constitue bien la preuve que la Lune est située à l’infini, du moins très loin. L’Astre semblait arrêté au-dessus de Bethléem, oui, mais si les mages s’étaient trouvés à Babylone se rendant à leur observatoire de Borsippa situé au Sud, ils auraient vu l’Astre arrêté au-dessus de Borsippa. Si l’on se retrouve le nez en l’air, sans repères ni instrument astronomique permettant de mesurer avec précision l’azimut et la hauteur d’un astre au-dessus de l’horizon, on ne peut pas voir de différence 1 ou 2 heures plus tard. La Lune est haute dans le ciel au départ du train, une heure plus tard, à l’arrivée, dans une autre ville, elle l’est encore.

 

La science ardue des levers et des couchers des astres 

Deux ouvrages sont consacrés à cette « science ardue des levers et des couchers des astres » pour reprendre la citation d’Eschyle* dans Prométhée enchaîné. Ce poète grec du 5e siècle B.C. souligne que la connaissance du lever des astres fut essentielle « pour procéder avec ordre et raison et répartir les activités des hommes selon les saisons ». Les traités d’Autolycos de Pitane fl. 330 B.C. et de Géminos de Rhodes  fl. 55 B.C., traduits en français par Germaine Aujac* sont consacrés l’un à La sphère céleste en mouvement, levers et couchers des astres, l’autre à l’Introduction aux Phénomènes célestes.

Les éphémérides en écriture cunéiforme montrent le langage encore plus explicite des astronomes chaldéens : le 3 avril 7 B.C.« Saturne ”sera visible pour la première fois” dans les Poissons… » et le 27 février 6 B.C. « Saturne ”sera visible pour la dernière fois” à la fin des Poissons ».

C’est ce langage chaldéen de ”visibilité de l’astre” et non le langage grec du ”lever de l’astre” que l’on retrouve dans la question que le roi Hérode pose aux Mages :

« Alors Hérode ayant fait appeler secrètement les Mages, apprit d’eux exactement le ”Temps” de ”l’apparition de l’astre”… ».

Hérode ne s’intéresse pas à l’astre, mais au Temps de l’apparition de l’astre afin de connaître la date de naissance du nouveau roi des Juifs.

A elle seule, la fameuse expression ”l’astre à son lever” suffit à exclure les hypothèses d’une supernova ou d’une comète longtemps envisagées pour l’Etoile de Bethléem. Une supernova apparaît n’importe où dans le ciel et à n’importe quelle heure de la nuit, et non impérativement à l’horizon et à l’extrême aube. De même, ”l’astre à son lever” exclut l’éventualité d’une comète ; on peut en découvrir certaines assez bas sur l’horizon mais la chance est infime qu’elle apparaisse à son ”premier lever”. Une comète ne serait pas passée inaperçue, surtout après l’arrivée d’astronomes qui viennent justement pour dire qu’ils ont vu quelque chose dans le ciel, tous auraient alors vu un astre chevelu inhabituel, spectaculaire.

 

Les Phénomènes astronomiques et la fête de l’Epiphanie

Phainomena”, les ”Phénomènes”, ce qui apparaît, qui est visible dans le ciel, est le titre de l’ouvrage de l’astronome Geminos de Rhodes. C’est aussi l’expression que l’on retrouve dans la bouche d’Hérode recevant les Mages : ”Phainomenou astéros, quand il demande le temps de ”l’apparition de l’Astre”.

Phaino, faire briller, faire paraître, rendre visible, est un verbe. Il a donné épi-phanios, qui apparaît, d’où ta Epiphania, ”l’Epiphanie”, utilisé par Jean Chrysostome pour désigner la Nativité.

Les Hauts Faits du divin Auguste : du temple d’Ancyre à Antioche de Pisidie

 

 

Les Hauts Faits du divin Auguste :

du temple d’Ancyre à Antioche de Pisidie

 

Il serait dommage de disséquer les versets 2.1 et 2.2 de Luc sur le recensement du monde habité décrété par l’empereur Auguste sous l’autorité de Quirinius, sans rappeler le contexte de l’Evangile de Luc, le seul  évangéliste qui nous ait rapporté les magnifiques scènes de la Nativité. Les deux récits L’Annonciation de l’ange à Marie, et la Visitation de Marie à sa cousine Elizabeth ont inspiré les plus grands artistes d’Orient et d’Occident au Moyen Age, à la Renaissance et aux temps classiques. Deux scènes qui ont soutenu l’émotion, l’émerveillement et la piété de nos ancêtres dans leurs peines et leur détresse.

 

L’Annonciation de l’ange à Marie

« Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David ; et le nom de la vierge était Marie. Il entra et lui dit : ”Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi”. A cette parole elle fut troublée l’ange lui dit : ”Sois sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils et tu l’appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il règnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin”. Mais Marie dit à l’ange : ”Comment cela sera-t-il puisque je ne connais pas d’homme ? L’ange lui répondit : ”L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu”. L’ange, avant de la quitter, annonce à Marie qu’Elizabeth, sa parente, qu’on appelait ”la stérile”, vient de concevoir un fils dans sa vieillesse ”car il n’est rien d’impossible à Dieu”. Marie dit alors : ”Le suis la servante du Seigneur : qu’il m’advienne selon ta parole !” . Et l’ange la quitta ».

Luc, traduction Bible de Jérusalem

 

La Visitation de Marie à sa cousine Elizabeth

« En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers la région montagneuse, dans une ville de Juda ».

Cette région est aujourd’hui souvent identifiée avec Aïn Karim à 6 km à l’Ouest de Jérusalem. Marie partit en hâte, seule semble-t-il, du moins sans Joseph.

« Marie entra chez Zacharie et salua Elizabeth. Et il advint, dès qu’Elizabeth eut entendu la salutation de Marie, que l’enfant tressaillit d’allégresse dans son sein et Elizabeth fut remplie d’Esprit saint. Alors elle poussa un grand cri et dit : Bénie es-tu entre toutes les femmes, et béni le fruit de ton sein ! Et comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? Car, vois-tu, dès l’instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en mon sein. Oui, bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! ».

Luc 1, 39-45

 

Cantique de Marie.

Marie dit alors :

« Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur parce qu’il a jeté les yeux sur son humble servante.

Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse,

car le Tout-Puissant a fait pour moi des merveilles.

Saint est son nom, et sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles.

Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides ».

Luc, le Cantique de Marie

Luc précise que Marie demeura avec Elizabeth environ trois mois, et s’en retourna chez elle, à Nazareth. La distance est d’environ 120 km, les reliefs descendent au niveau de la mer puis remontent à 500 m et parfois 700 mètres d’altitude. Le père Lagrange*, 1925, rapporte que « le voyage de Nazareth à Bethléem pouvait se faire commodément en quatre jours, les étapes naturelles étant vraisemblablement les mêmes qu’aujourd’hui : Djenin, Naplouse, el-Bireh ». Joseph et Marie l’emprunteront chaque année vers Jérusalem pour la fête de Pâques.

Les artistes qui ont peint cette scène de la Visitation de Marie à Elizabeth ont situé la scène sur une montagne escarpée conformément au texte de cet évangéliste. La Visitation peinte par Fra Angelico sur la prédelle du rétable de l’église San Domenico à Cortone situe la rencontre dans une demeure bâtie sur une montagne escarpée dominant la plaine, une ville apparait dans le lointain.

 

Une naissance idyllique avec des bergers et des anges…

« […] Joseph qui était de la lignée et de la maison de David monta en la ville de Bethléem afin de se faire recenser avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter s’accomplit, et elle mit au monde son fils premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie.

Il y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. L’ange du Seigneur se tint près d’eux et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté et ils furent saisis d’une grande crainte.

Mais l’ange leur dit : ”Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple ; aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche”.

Et soudain se joignit à l‘ange une troupe nombreuse de l’armée céleste, qui louait Dieu, en disant : ”Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre  aux hommes de bonne volonté” ».

Luc 2, 1-14

 

La Nativité selon Luc, éloge littéraire par Ernest Renan

—  Avec ce récit de Luc on n’est plus du tout dans le rationnel.

— Tu as raison. Il ne reste rien de rationnel sinon, à l’occasion d’une grossesse, une visite de Marie à sa cousine Elizabeth dont on ne voit pas pourquoi elle aurait été inventée. Ernest Renan dit simplement que « cet Evangile de Luc révèle un esprit large et doux, sage, sobre et raisonnable dans l’irrationnel». Ernest Renan, bête noire du parti catholique, ose même prononcer le mot de légende :

« C’est un beau récit joignant l’émotion du drame [récit de la Passion] à la sérénité de l’idylle [récit de la Nativité]. Tout y rit, tout y pleure, tout y chante ; partout des larmes et des cantiques ; c’est l’hymne du peuple nouveau, l’hosanna des petits et des humbles introduits dans le royaume de Dieu. Un esprit de sainte enfance, de joie, de ferveur, le sentiment évangélique dans son originalité première répandent sur toute la légende une teinte d’une incomparable douceur. C’est le plus beau livre qu’il y ait ».

Ernest Renan*

Dans Les Evangiles, 1877, Ernest Renan, professeur au Collège de France, montre les qualités littéraires remarquables de l’évangile de Luc, en particulier dans ce récit de l’enfance, recueilli dans la tradition orale collective et dans les logia primitifs. Ces logia, ou archives, rassemblaient des sentences évangéliques en un Evangile hébreu, dit des douze, aujourd’hui disparu, qui est à l’origine de l’évangile grec dit « de Matthieu« . Ces logia ont précédé les 4 évangiles et même l’épître de Paul aux Corinthiens, en l’an 57, qui est le texte évangélique le plus anciennement connu.

« La mémoire d’un homme était alors comme un livre ; elle savait même rendre des conversations auxquelles on n’avait point assisté. Une foule de personnes qui n’avaient point vu Jésus le connaissaient ainsi, presque aussi bien que ses disciples immédiats. Les maximes de Jésus et les petits récits de sa vie étaient sans cesse répétés et sus par cœur. Les sentences morales, qui formaient la partie la plus solide de son enseignement étaient encore plus facile à garder ».

Ernest Renan*

« Ces épisodes délicieux de la crèche, des bergers, de l’ange qui annonce aux humbles la grande joie, du ciel descendant sur terre auprès de ces pauvres gens pour chanter le cantique de la paix aux hommes de bonne volonté ; puis ce vieillard Syméon, respectable personnification du vieil Israël, dont le rôle est fini, mais qui s’estime heureux d’avoir fait son temps, puisque ses yeux ont vu la gloire de son peuple et la lumière révélée aux nations ; et cette veuve de quatre vingts ans qui meurt consolée ; et ces cantiques si purs, si doux, Magnificat…, Gloria in excelsis…, Nunc dimittis…, Benedictus Dominus Deus Israël …, qui vont servir de bases à une liturgie nouvelle ; toute cette exquise pastorale, tracée d’un contour léger au fronton du christianisme, tout cela est bien l’œuvre de Luc [… ] Elizabeth et Zacharie longtemps stériles, la vision du prêtre à l’heure de l’encens, la visite de Marie à Elizabeth la cantique du père de Jean-Baptiste, on ne rapporta jamais plus douce cantilène pour endormir les douleurs de la pauvre humanité ».

Et Renan ajoute qu’il n’entend pas nier que Luc n’ait trouvé dans les documents dont il se servait le germe de ces jolis récits, qui ont été l’une des sources de l’art chrétien.

« Chez Luc se trouvent ces miséricordieuses paraboles du bon Samaritain, de l’enfant prodigue, de la brebis égarée, de la drachme perdue, où la position du pécheur repentant est presque mise au-dessus de celle du Juste qui n’a point failli.  [… ] L’épisode des disciples d’Emmaüs est un des récits les plus fins, les plus nuancés qu’il y ait dans aucune langue ».

Ernest Renan*

 

Comment Luc s’est-il informé ?

Dans le préambule, Luc explique nettement son intention et sa situation d’auteur :

« Plusieurs ayant déjà essayé de rédiger le récit des choses accomplies parmi nous, comme nous l’ont transmis ceux qui, dès le commencement, en ont été les témoins et les acteurs, j’ai cru bon, moi aussi, après avoir tout examiné avec soin depuis l’origine, de t’en écrire une narration suivie, cher Théophile, pour que tu reconnaisses la solidité des enseignements que t’ont donnés ceux qui t’ont catéchisé ».

Luc

Ernest Renan souligne que:

« le style tout hellénique de ce préambule s’apparente au prologue du traité de la matière médicale de Dioscoride, [Luc est en effet un médecin grec ] ; dans le reste de l’ouvrage ce sont les documents utilisés par l’auteur qui font la couleur hébraïque. Or, que l’on rapproche les discours de Jésus dans l’Evangile et les discours des apôtres dans les Actes la différence est complète. Ici dans l’Evangile, le charme du plus naïf abandon ; là, dans les Actes, une certaine rhétorique, par moments assez froide. D’où peut venir cette différence ? Dans le premier cas Luc a recueilli une tradition, les paroles de Jésus étaient déjà écrites, les phrases construites, dans le second cas Luc rapporte les paroles des apôtres, tirant les discours de lui-même ».

Ernest Renan*, les Evangiles

 

 Was Christ born at Bethlehem ? par Sir William  Ramsay

Dans Was Christ born at Bethlehem ?,1898, Sir Willliam Ramsay*, archéologue de la British academy insiste sur ses qualités d’historiens de Luc qu’il confirmera lui-même lors des fouilles archéologiques qu’il mènera avec succès en Anatolie. Luc est précis qu’il s’agisse des rites religieux Juifs, de la richesse de la langue grecque, de l’organisation romaine, que de la médecine, de la description des cités et des monuments et même les voyages maritimes et le naufrage de saint Paul à Malte où Luc décrit la manoeuvre d’échouage qui reste un modèle pour les experts de la navigation dans l’Antiquité. Alors que les marins mettaient la chaloupe à la mer pour aller affourcher les 4 ancres de l’avant, Saint Paul, s’imaginant qu’ils cherchaient à s’enfuir coupa l’amarre, mettant un terme à l’ultime tentative d’un accostage en douceur, par l’arrière, avec les filins à la demande.

William Ramsay* était persuadé que Luc devait tenir les récits de  l’Enfance de Jésus d’une femme très proche de Marie, et de Marie elle-même pour l’Annonciation de cette naissance miraculeuse et pour la grossesse inattendue d’Elizabeth dont Marie fut « témoin de première main ». A deux reprises Luc reprend cette phrase :

« Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur ».

Ramsay souligne « la naissance discrète » de Jésus qui intervient quelques mois après la « naissance médiatisée » de Jean-Baptiste : « …son père Zacharie retrouve alors la parole… et la crainte s’empara de tous leurs voisins et dans la montagne de Judée toute entière on racontait toutes ces choses ». Luc a recueilli des informations publiques et neutres concernant la naissance de Jean Baptiste, « l’enfant grandissait et son esprit se fortifiait » mais en ce qui concerne Jésus l’information était restée dans le cercle familial :

« l’enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse»

et Luc ajoute

« …Et la grâce de Dieu était sur lui »

« a touch of warmth »  pour Ramsay*

Marie beaucoup plus jeune qu’Elizabeth n’avait guère plus 16 ans à la Nativité ; Luc l’aurait rencontré en Palestine entre les années 58 et 60 selon Ramsay, Marie aurait alors eu 81 ans. On sait que l’apôtre Paul partit affronter l’Eglise de Jérusalem en Juillet 58, le conflit s’envenima vite et Paul fut emprisonné par les Romains à Césarée ; pendant plus de 2 ans il y resta en résidence surveillée tandis que ses disciples, Luc, Timothée et les autres, sillonnaient la Palestine, la Syrie et même l’Anatolie jusqu’à Ephèse. Ainsi Luc recueillait-il toutes ses informations avant d’accompagner Paul jusqu’à Rome (même naufrage) et il resta à ses côtés quand Paul y fut prisonnier sous Néron.

Ramsay souligne que le sentiment sympathique de Luc pour les femmes provient de ses origines grecques (né à Philippes ou à son port de Néapolis) et des douces traditions macédoniennes. Renan également prête à Luc « un esprit doux, conciliant, une âme tendre, sympathique, un caractère modeste propre à s’effacer ». C’est grâce à Luc que l’on connaît la part de Marie et des femmes dans le developpement du christianisme ; Marie toujours discrète mais présente aux moments clés ; Marthe qui s’active tandis que sa soeur Marie de Béthanie écoute Jésus ; la femme anonyme qui élève la voix dans la foule : « heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins que tu as sucés » ; « la pécheresse pardonnée qui arrose de ses larmes les pieds de Jésus, les essuie de ses cheveux et les couvre de baisers » ; l’entourage féminin Marie Madeleine, Jeanne, Suzanne et les autres qui accompagnent Jésus dans ses prédications ; les Filles de Jérusalem qui se frappent la poitrine et se lamentent sur le chemin du calvaire ; les femmes qui accompagnaient Jésus depuis la Galilée présentes au pied de la croix ; celles qui préparent aromates et parfums au tombeau ; Marie la magdaléenne, Jeanne et Marie mère de Jacques qui annoncent la résurrection aux apôtres incrédules ; Marie, mère de Jésus, présente avec les apôtres lors de l’Ascension.

 

Le recensement du monde habité par l’empereur Auguste

Et si on revenait à notre sujet, la date du recensement d’Auguste en Judée, et donc la date de la Nativité. Coincide-t-elle avec la  conjonction de planètes ? Joseph et Marie étaient-ils à Bethléem lors du bref passage des Mages ?

— La lecture de ces quelques versets est rapide, mais ce fut une sacré affaire car la trace du grand recensement d’Auguste de 8 B.C. fut perdue pendant 15 siècles, redécouverte par les travaux de Képler de Suslyga et à nouveau oubliée des historiens. Luc, le seul historien à en avoir parlé directement (Flavius Josèphe indirectement) fut accusé d’avoir ”tout inventé” pour faire venir Joseph et Marie à Bethléem.

 Je vais lire :

« Or, il advint, en ces jours-là, que parut un édit de César Auguste ordonnant le recensement de tout le monde habité”. Ce recensement, le premier”, eut lieu pendant que Quirinius commandait en Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville. Joseph aussi monta de Galilée en Judée, savoir, de la ville de Nazareth à la ville de David, nommée Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David ; afin de se faire recenser avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Or pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter arriva, et elle enfanta son fils premier-né, et elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une crêche, parce qu’il n’y avait point le place pour eux dans l’hôtellerie ».

Luc

Je vois qu’il parle d’un premier recensement, et ça à l’air d’être important puisque c’est l’empereur lui-même qui décide et il concerne le monde habité c’est-à-dire tout son empire. Les historiens romains ont certainement décrit cette vaste opération ?

 Mieux, Auguste lui-même avait écrit de sa main un livre documenté et chiffré le Breviarium Imperii, le Sommaire de l’Empire où il rapportait l’état de l’Empire et les actions qu’il avait accompli durant son règne.

Hélas ce livre a disparu. Tacite rapporte que dans ce livre :

« étaient consignées toutes les ressources de l’Etat : combien il y avait de citoyens et d’alliés sous les armes ; combien de flottes, de royaumes, de provinces ; les tributs et les redevances, les dépenses à faire, les gratifications, le tout écrit de la main du Prince ».

Tacite

Suétone dans sa Vie d’Auguste est plus précis :

« Ce prince, Auguste, en vertu du droit que lui conférait sa charge avait procédé 3 fois au recensement du peuple, la 1ère et la 3ème fois avec un collègue, et la 2ème fois seul »

Suétone

hélas il ne donne aucune date.

On savait aussi que des extraits de ce volumineux document sur l’Etat de l’Empire, les Res Gestae divi Augusti, les Hauts Faits du divin Auguste, avaient été gravés sur deux tables de bronze à l’entrée de son mausolée à Rome, en l’an 14 de notre ère. Ces tables en bronze disparurent à la fin de l’Empire Romain mais heureusement il en restait des copies dans les provinces romaines notamment à Ancyre.

 Allons-y, c’est la ville d’Ankara, je crois.

 

« La reine des inscriptions » sur le temple d’Ancyre

C’est en 1555, qu’Ogier Ghislain de Busbecq, un diplomate français auprès de Soliman le Magnifique, découvrit à Ancyre, sur le temple d’Auguste reconverti en mosquée, une double inscription gravée en latin et en grec. « La reine des inscriptions » dira Theodor Mommsen, spécialiste de l’Histoire romaine et prix Nobel en 1902. Cette longue inscription située dans le pronaos du temple, copie des Hauts Faits du divin Auguste, indique que l’empereur Auguste procéda à trois recensements du monde habité en 28 B.C., en 8 B.C. et en 14 A.D. :

« …un deuxième cens a été clos ”par moi seul” avec pouvoir consulaire en l’an 746 de Rome [8 B.C.] et dans ce cens quatre millions deux cent trente trois mille citoyens romains ont été inscrits… »

Res gestae

Oui, ”par moi seul”, cette modalité propre au recensement de 8 B.C. est également signalée dans l’évangile de Luc ; c’est un cas unique dans l’histoire romaine alors à la charnière entre la République et l’Empire, car, selon l’usage, les recensements étaient menés par deux consuls. On voit que Luc l’évangéliste, sur ce point, était mieux renseigné que l’historien Flavius Josèphe* qui écrivait à la même époque. Luc aurait-il vu l’inscription d’Ancyre ? c’est probable pour l’archéologue Sir William Ramsay* qui travailla sur les traces les voyages de saint Paul et de saint Luc en Anatolie.

Dès 1606, quelques années à peine après la découverte de cette inscription, Suslyga et Képler utilisaient cette date butoir «…quod Augustus ipse prodidit in lapide Ancyrano » pour fixer en 7 ou 6 B.C., la date du recensement en Syrie dont dépendait le royaume d’Hérode.

 

La date de la mort d’Hérode

Les premiers chrétiens ne s’intéressaient pas spontanément à la date de la Nativité de Jésus, seulement à celle de sa Résurrection à Pâques, la grande fête des chrétiens. Cette date était alors calculée à partir de la première prédication de Jésus, alors qu’il avait ”environ 30 ans”, elle-même rapportée à son baptême par Jean-Baptiste, et que Luc situe « durant la quinzième année du règne de Tibère ». Suslyga* et Képler* mirent tout à plat et retinrent que la Nativité eut lieu du temps d’Hérode le Grand, comme l’affirment Matthieu et Luc.

L’historien Flavius Josèphe rapporte qu’Hérode le Grand fut proclamé roi sous le consulat d’Agrippa, en l’an 717 depuis la fondation de Rome, et qu’il régna 37 ans. Hérode serait mort en 4 B.C. au mois de Nisan, au début de l’année juive à la date de la Pâque juive fixée à la Pleine Lune qui suit l’équinoxe de printemps, et quand le Soleil est dans le signe du Bélier précise Théophile Mémain*. Cette date de 4 B.C. pour la mort d’Hérode est confirmée par les dates de décès ou de destitution de ses trois fils héritiers, Archélaos, Philippe et Antipas, qui se partagèrent son royaume et dont on connaît la durée de règne. Flavius Josèphe écarte les doutes inévitables sur ces divers calendriers : Fondation de Rome, bataille d’Actium ou calendrier Juif qui ne débutent pas au même mois de l’année. Par chance l’historien nous indique que la mort d’Hérode survint cinq jours après une éclipse de Lune ; ainsi, à l’aide des tables pruténiques, Képler calcula que l’éclipse eut lieu le 13 mars de l’an 4 B.C., à 3h 31m, un calcul qui est aujourd’hui confirmé.

 

Flavius Josèphe parle-t-il du recensement de 8 B.C. ?

Dans les Antiquités judaïques, livre 17, Flavius Josèphe* montre qu’Auguste est aux commandes de ce grand recensement du monde Romain : la Gaule et la Germanie ont été intégrées à l’empire Romain, c’est au tour de la province Impériale de Syrie dont dépend le royaume juif d’Hérode. Au moment où Auguste, en l’été de 8 B.C., venait de fermer solennellement les portes du temple de Janus pour marquer une nouvelle période de la Pax Romana, Hérode, à contretemps, lance une opération punitive et de pillage en Arabie.

Dès lors,

« Hérode perd désormais le crédit dont il jouissait auprès de l’empereur ».

Flavius Josèphe

Auguste lui écrit vertement :

« qu’il l’avait traité jadis en ami, et que désormais il le traiterait en sujet »,

Flavius Josèphe

puis il refuse de recevoir :

« les trois ambassades de conciliation que lui envoie alors Hérode ».

En 8 ou 7 B.C. Auguste apprend par Saturninus gouverneur de Syrie

« les terrifiantes querelles de ce vieillard avec ses fils »,

Alexandre et d’Aristobule, fils de Mariamne de la dynastie des Hasmonéens, étranglés sur ordre de leur père Hérode au port de Sébaste, Césarée la Maritime.

Flavius Josèphe nous informe surtout qu’au cours de l’an 7 B.C., alors que Saturninus était gouverneur de Syrie :

« tout le peuple Juif avait confirmé par des serments son dévouement à l’empereur Auguste et au gouvernement royal d’Hérode, des pharisiens au nombre de plus de six mille refusèrent de jurer ».

Flavius Josèphe ne prononce pas le mot de ”recensement” mais le peuple devait :

« prêter serment d’allégeance et de fidélité à l’empereur Auguste et au roi Hérode ».

Ce recensement du monde habité, c’est-à-dire du monde romain, était effectué conjointement avec Hérode, selon les traditions ancestrales juives. Il provoqua des turbulences :

« Il y avait une secte de Juifs qui se vantait d’observer très strictement la loi de leurs pères et affectait un grand zèle pour la divinité, secte à laquelle était soumis l’entourage d’Hérode. On les appelle des Pharisiens, gens capables de tenir tête aux rois, et s’enhardissant ouvertement à les combattre et à leur nuire. Ces hommes n’avaient pas juré, au nombre de plus de 6 000 : et comme le roi leur avait infligé une amende, la femme de Phéroras la paya à leur place. En retour de cette marque d’amitié, les Pharisiens, qui tenaient de Dieu leur don de prophétie, prédirent à cette femme que le trône échapperait à Hérode et à sa race et reviendrait à sa descendance… ».

Flavius Josèphe*

Hérode, qui était juif, croyait aussi aux prophéties et craignait que sa couronne échappe à ”sa dynastie”.

 

Modalités des grands recensements romains

Selon Denys d’Halicarnasse (IV, 5 et 15), Ier siècle, les hommes libres devaient ”prêter serment”, donner leur nom et leur domicile, le nom de leur père et mère, de leur femme et enfants. Orose, un historien chrétien du 4e siècle qui vivait à Hippone, confirme qu’un ”serment de fidélité” et cette soumission à Rome accompagnait ces premiers recensements dans les provinces de l’Empire.  Lors de ces recensements on se faisait inscrire dans le lieu de sa naissance « chacun dans sa ville » précise Luc, à Bethléem donc, parce que Joseph était de la ”maison” et la ”famille” de David, deux mots qui ont chacun leur force (Luc ne fait pas de pléonasme) et indiquent l’origine familiale de Joseph. Les femmes également devaient participer à ces grands recensements romains, ainsi Marie, née à Nazareth suivant la tradition, devait venir pour se faire inscrire à Bethléem, ville de Joseph son époux.

 

Un 2e recensement, local, en vue de l’impôt, sème la révolte

En l’an 6 de notre ère la tutelle romaine s’alourdit sur la Judée. Un recensement des fortunes destiné à l’impôt provoqua de violentes révoltes contre l’autorité romaine, elles nous sont rapportées par l’historien Flavius Josèphe. Ce 2e recensement local en Judée fut longtemps le seul connu des historiens, tandis que le grand recensement d’Auguste du monde habité, qui avait eu lieu 12 ans plus tôt, fut oublié jusqu’au 16e siècle. Le nom de Quirinius qui est associé aux deux recensements ajouta à la confusion : lors du grand recensement de l’empire romain, décrété en 8 B.C., Quirinius intervint à titre de légat d’Auguste commandant les légions en Syrie, tandis que lors du recensement local en Judée, en 6 de notre ère, Quirinius intervint comme Gouverneur des provinces de Syrie et de Phénicie, légat pro-préteur d’Auguste.

Luc, contemporain de Flavius Josèphe et comme lui fidèle à Rome, connaissait aussi l’existence de ce 2e recensement puisqu’il en parle dans les Actes des apôtres dont il est aussi l’auteur, ce que beaucoup d’historiens des 19e et 20e ignoraient encore. Luc, dans les Actes des apôtres 5-37, rapporte que les premiers chrétiens, par leur zèle excessif, avaient alors troublé l’ordre public. A cette occasion, le sage Gamaliel, qui présidait le Sanhédrin de Jérusalem intervient pour rappeler tous les échecs des révoltes juives contre l’autorité romaine…celle de Theudas…

« et après lui, s’est levé Judas le Galiléen, ”à l’époque du recensement”, et il souleva du monde à sa suite ; lui aussi périt et tous ses partisans furent dispersés »

Luc, Actes des Apôtres 5, 37

Si Flavius Josèphe donne davantage de détails sur cette révolte, le fond reste le même :

« un certain Judas le Gaulanite de Gamala  [ près du lac de Tibériade ] se précipita dans cette sédition…il prétendait que ”ce recensement” n’amènerait qu’une servitude complète …et il appelait le peuple à revendiquer sa liberté »

et il ajoute:

« qu’Auguste voulait rétablir la justice dans cette province…il fallait gouverner les Juifs avec pleins pouvoirs…recenser les fortunes ».

Flavius Josèphe Antiquités Judaïques*

Ainsi, Luc et Flavius Josèphe parlent de ce 2e recensement dans les mêmes termes.

 

Antioche de Pisidie par Sir William Ramsay

La pacification romaine en Anatolie se heurtait aux révoltes des tribus montagnardes de Lycaonie, une « satrapie” rebelle de l’ancien royaume de Cappadoce, mitoyenne des provinces de Galatie (cap. Ancyre), Pisidie (cap. Antioche), Pamphilie et Cilicie. C’est à Antioche de Pisidie que Quirinius, légat d’Auguste et commandant en chef en Orient, installa ses 4 légions pour pacifier ce carrefour stratégique et le désenclaver par l’ouverture de la Voie Sébaste vers le sud-ouest et vers le sud-est. Il vainquit les Homonades, retranchés dans les monts Taurus. Cette victoire, aussi importante que la campagne de Drusus en Germanie, lui valut d’être l’un des trente légats d’Auguste à recevoir les ”ornements du triomphe” et les doubles ”supplications”.

William Ramsay* découvrit une deuxième inscription des Res Gestae d’Auguste en 1914, lors des fouilles du forum Antioche de Pisidie; en 1924 il découvrira 60 nouveaux fragments en langue latine également ; en 1930 d’autres fragments, en langue grecque ont été découverts à Apollonie de Pisidie. Les 5 bornes routières découvertes par William Ramsay* marquent l’achèvement de la Voie Sébaste en 6 B.C., ce sont des indices supplémentaires de la présence de Quirinius à cette époque tout comme d’autres inscriptions le concernant. Katarzyna Balbuza*, 2011, fait un point récent sur Quirinius et sur le Titulus Tiburtinus une inscription partiellement tronquée, découverte en 1764 dans la voie Tiburtine à Rome, qui souleva passions et controverses. Sanclemente, 1793, et Mommsen, 1883, affirmèrent que :

« ce légat d’Auguste en Syrie …proconsul en Asie…qui avait reçu deux fois les supplications et les ornements du triomphe… ne pouvait être autre que Quirinius, et si son nom avait été accidentellement tronqué, les titres de gloire sont bien les siens»

Katarzyna Balbuza* 2011

Malgré un léger doute qui subsiste sur cette inscription, la carrière de Quirinius était déjà fort bien établie par Tacite, Suétone et Strabon. On peut conclure qu’à cette époque :

« Quirinius établit la Paix romaine dans cette région éloignée de l’Anatolie centrale »

Justin Hardin * 2008

On peut imaginer, comme William Ramsay, que Luc prit connaissance du recensement d’Auguste et de la gloire militaire de Quirinius à Antioche de Pisidie, là même où :

« Paul se plaignit des persécutions et souffrances que lui avaient infligé les citoyens de cette ville ».

Epître à Timothée

 

Quirinius, vice-empereur des provinces romaines d’Orient ?

Quel rôle exerça Quirinius dans ce grand recensement du monde Romain ? Luc utilise le mot égémoneuon, qui signifie étant général ou étant commandant, c’est-à-dire celui qui est chargé de diriger, de conduire l’opération ; égémon a donné hégémonie en français. Si Luc avait voulu désigner le gouverneur de la province impériale de Syrie, il aurait utilisé le nom grec arkon, archonte. Luc n’utilise pas le nom égémon, ni encore moins comme un titre « Gouverneur », il n’utilise pas le nom mais le verbe qui caractérise le mieux l’action de Quirinius : conduire, mener, organiser le recensement.

La charge suprême de Gouverneur de la grande province impériale de Syrie dont dépendait les royaumes de Judée (Hérode) et de Cappadoce (Archélaus) était confiée à un légat propréteur d’Auguste; c’était alors Sentius Saturninus.

Mais un recensement, mission exceptionnelle mais brève, exige une organisation militaire dévolue à un homme énergique : en Syrie, Auguste confia cette mission de recensement à l’un de ses légats prétoriens Quirinius qui avait fait ses preuves et avait sa confiance, comme l’a soutenu Isaac Casaubon*, 1559-1614, un érudit français, protestant, réfugié à Genève. En parallèle, les Gouverneurs conservaient leurs pleins pouvoirs diplomatiques, politiques, juridiques et financiers.

Lors de ce recensement Quirinius était au début d’une carrière qu’il poursuivit en Orient : gouverneur en Asie, puis tuteur de Gaius Caesar le petit-fils d’Auguste durant un commandement en Arménie, et enfin légat propréteur d’Auguste en Syrie et en Phénicie de 6 à 12 de notre ère, le couronnement de toute une carrière consacrée à l’Orient Romain. Ethelbert Stauffer*, 1960, considère que :

« Quirinius doit être reconnu non seulement pour ses diverses fonctions de gouvernement en Syrie et en Asie mais surtout pour avoir été distingué par Auguste dans la glorieuse liste des commandants en chef en Orient. C’est à ce titre qu’il gouverna les provinces romaines d’Orient comme un vice-empereur, de 12 B.C. à 16 A.D».

Ethelbert Stauffer*

 

La date du recensement en Judée

Il ne fait aucun doute, le grand recensement de l’empereur Auguste, décrété en 8 B.C., se déroula en Judée pendant le mandat de Sentius Saturninus légat propréteur d’Auguste en Syrie comme l’affirme l’historien romain Flavius Josèphe.

Ceci sera confirmé au 2esiècle par un Père de l’Eglise, Tertullien*, très affirmatif, car il avait consulté à Rome les archives détaillées du recensement  de la Judée et de tout l’Empire (elles n’avaient pas encore disparues) et, sûr de lui, il s’appuyait sur ce document pour contredire publiquement un adversaire, Marcion :

« …un recensement exécuté dans la Judée par Sentius Saturninus. C’est à ces archives qu’ils [les adversaires de l’Eglise] auraient du demander la preuve de sa naissance et de sa famille… ».

Tertullien*

Avec ce cri du cœur Tertullien affirmait une date de la Nativité fort antérieure à celle alors communément admise par les Pères de l’Eglise  3 B. C. ou 2 B.C., gage supplémentaire de sa sincérité.

Sentius Saturninus était donc légat propréteur d’Auguste de 9 B.C. à 7 B.C., lors de ce recensement, mais grâce à Flavius Josèphe nous pouvons être plus précis tant la chronologie des événements survenus avant et après le recensement s’enchaîne de la fin du mandat de Saturninus 9 à 7 B.C. à celui de Varus, de 6 B.C. à 4 B.C., qui lui succède.

 

Une monnaie d’Antioche exclut 6 B.C. (et 5…4…) pour le recensement

Les monnaies d’Antioche, la capitale, étaient frappées au nom du légat impérial de Syrie. Antioche, « la métropole de l’Orient » (Josèphe), « la troisième ville du monde, après Rome et Alexandrie » (Strabon), « second berceau du christianisme après Jérusalem » (Renan), Antioche une ville de près de 500 000 âmes presque aussi grande que Paris avant ses extensions du 19e.

« Antioche, une ville tout hellénique depuis sa fondation, portée par les Séleucides à un haut degré de splendeur avec d’admirables statues, devint, à l’époque romaine, une vaste banlieue cosmopolite très animée où se mêlaient charlatans, sorciers et prêtres imposteurs, superstitions, ignominie, corruption et intrigues, luxe effréné, fêtes, débauche et bacchanales, mais la beauté des œuvres d’art et le charme infini de la nature empêchaient cet abaissement moral de dégénérer tout à fait en laideur et vulgarité. C’est dans cette Antioche profane, mais l’un des points du monde où il y avait le plus d’éveil, que se développera le christianisme : une jeune Eglise ardente, novatrice, pleine d’avenir, composée des éléments les plus divers, fondée en peu de temps. C’est en l’an 43, lors des prédications de Barnabé et Paul que le nom de ”christianus” fut formé par la population païenne d’Antioche pour désigner les nouveaux convertis, la terminaison latine indiquerait qu’elle fut adoptée par l’autorité romaine au même titre que ”herodiani” […] les Juifs continuèrent de les appeler ”Nazaréens” un nom qui a prévalu dans tout l’Orient »

Ernest Renan*

Revenons à cette pièce de monnaie :

  • sur une face de la monnaie « la tête de Jupiter le dieu tutélaire de la ville d’Antioche »,
  • sur l’autre face, « une femme assise sur des rochers, tenant à la main droite une branche de palmier, à ses pieds paraît un fleuve les bras étendus qui désigne l’Oronte pour la distinguer de l’autre Antioche, de Pisidie »,
  • sur l’entour des gravures :

Antioche sous Varus” , ”EK (25e), anno victoria”

Vaillant*, 1717,

il s’agit de la victoire d’Auguste sur Antoine à Actium, sur mer, le 2 septembre de l’an 723 depuis la fondation de Rome. La ville d’Antioche, échue à Antoine lors du partage de l’empire, se rallia à Auguste dès la bataille d’Actium avant même qu’Antoine ne se donne la mort sur la fausse annonce du suicide de Cléopâtre.

En conclusion, cette monnaie indique que Varus était déjà propréteur en Syrie la 25e année depuis Actium, 748 depuis la fondation de Rome, 6 B.C. une année qui débute même officiellement le 2 septembre 7 B.C. selon le calendrier de la métropole d’Antioche. Ainsi, en Septembre 7 B.C. à la fin des fonctions officielles de Saturninus, le recensement est sans doute achevé ; cette date est encore concordante avec la phase suprême de la triple conjonction Jupiter-Saturne, mais elle ne l’est plus avec la Grande Conjonction des 3 planètes qui se déroula au début de 6 B.C.

 

La date du recensement en Judée selon Flavius Josèphe

Flavius Josèphe rapporte que l’année 7 B.C. fut marquée par le complot contre Hérode le Grand mené par son frère Phéroras et son fils héritier Antipater, complot qui fut dévoilé à la suite du recensement en Judée et du refus des 6 000 pharisiens de jurer fidélité à l’empereur Auguste. Le vent tourne pour Phéroras qui refuse de désavouer son épouse, l’instigatrice, (ils se réfugient alors dans leur tétrarchie), et pour Antipater qui craint la haine de son père et se fait éloigner à Rome, en mission auprès d’Auguste. Pendant l’éloignement d’Antipater à Rome, « depuis 7 mois déjà » (Ant.Jud.17,IV,82), Saturninus est encore gouverneur, il enquête sur les empoisonnements, condamne les comploteurs ou les expulse vers Rome. Lors de son voyage de retour Antipater, fils héritier d’Hérode apprend à Tarente la maladie puis l’empoisonnement de Phéroras, fait escale à Célendéris en Cilicie, puis à Césarée la Maritime, Varus vient de succéder à Saturninus on est alors en fin de l’an 7 B.C. Malgré l’insuffisance de repères plus fiables pour jalonner cet enchaînement d’événements, on peut conclure que le recensement a eu lieu en Judée en 7 B.C., printemps, été, ou début d’automne.

Les Mages seraient-ils arrivés au moment fort de la triple conjonction, lors de l’opposition de Jupiter et Saturne au Soleil le 15 sept 7 B.C ? L’Etoile aurait alors culminé au-dessus de l’étable de Bethléem, et le recensement aurait eu lieu depuis plusieurs semaines déjà ce qui reste raisonnable

Les Mages seraient-ils arrivés lors de la Grande Conjonction de Mars, Jupiter et Saturne vers janvier ou février 6 B.C. ? C’est très tard, les planètes étaient déjà au couchant à la tombée de la nuit, et non au dessus de l’étable. Le recensement aurait eu lieu depuis plusieurs mois déjà, Joseph et Marie n’avaient pas de raison de s’attarder si longtemps dans l’étable de Bethléem. L’Adoration des Mages serait alors caduque.

 

L’Etoile des Mages et l’Edit d’Auguste :

deux histoires qu’on ne peut inventer

Jusqu’à l’époque de Képler et Suslyga, la réalité de ces deux récits ”l’Etoile des Mages”, ”l’Edit d’Auguste”, ne reposait que sur le témoignage des deux évangélistes, Matthieu et Luc. C’est maigre pour des historiens modernes et on comprend leurs réticences d’autant que Matthieu justifie cette naissance à Bethléem par une prophétie de Michée, « à Bethléem-Ephrata petite parmi les clans de Juda », ce qui est très agaçant pour les rationalistes. La position de Luc est différente, « Luc est un sage, on ne fut jamais moins sectaire, il demeure fiable pour tous les faits historiques mais cet esprit large et doux, modéré, est peu critique pour les passages qui relèvent de la Foi… » (Renan).

Le regroupement des planètes et le grand recensement d’Auguste, étaient deux événements trop spécifiques pour être ”inventés”. Il eut été si facile à Matthieu et Luc de faire intervenir des anges ou des songes.

Rome et Arles : la Nativité dans le premier art chrétien

 

 

Rome et Arles : la Nativité dans le premier art chrétien

 

— L’évangile de Matthieu associe la Nativité et l’Etoile des Mages. D’autres textes reprennent et même complètent la scène associant les Mages, l’Etoile et Hérode. Les premières représentations de la Nativité remontent à l’époque paléochrétienne, ainsi des fresques, gravures et sculptures, associent l’Etoile et les Mages à l’épisode de la Nativité. Le Moyen Age, la Renaissance, les temps baroques et classiques, nous ont apporté de magnifiques représentations de la Nativité, avec l’Adoration des Mages et L’éclat d’une Etoile désignant l’Enfant, des événements associés qui ont ému les croyants et inspiré les artistes.

Tu vas être déçu, mais ni à l’ère paléochrétienne, ni plus tard au Moyen-Age, on n’a trouvé une Adoration des Mages surmontée de Jupiter, Saturne et Mars. Les représentations de la Nativité, toujours émouvantes souvent naïves et anonymes, ont marqué profondément notre culture : bas-reliefs, sarcophages et mosaïques paléochrétiens, fresques des catacombes et églises carolingiennes, sculptures et vitraux de nos cathédrales gothiques, chapiteaux des églises et des cloîtres, enluminures des bibles et Livres d’Heures … et pour couronner le tout les chefs-d’œuvre de nos plus grands peintres de la Renaissance.

L’iconographie chrétienne sur la Nativité est fort riche. Elle a contribué à ancrer les récits de l’Enfance de Jésus dans la réalité tout autant que les textes eux-mêmes dont elle est une expression populaire naïve et touchante. Citons entres autres L’iconographie chrétienne de Louis Réau*, La bible et les saints de Duchet-Suchaux* et Pastoureau, Un Moyen-Age en images de Jacques le Goff*, L’iconographie de la Nativité à l’époque médiévale de Georges Comet* qui situent ces œuvres artistiques dans la pensée chrétienne de leur époque.

 

L’Adoration des Mages de Giotto et la comète de Halley

 Oui je connais l’Adoration des Mages de Giotto avec une comète au-dessus de la crèche de l’Enfant Jésus, c’est pour cela que les astronomes ont donné la nom de Giotto à une sonde cométaire. Le dessin de la comète (il n’y avait pas de photographies) est une description utile même pour les astrophysiciens d’aujourd’hui : sur un ciel bleu sombre, on voit apparaître sa large tête diffuse irradiant en branches étoilées, et une longue queue striée s’estompant progressivement.


En attente: Adoration des mages de Giotto, et comète de Halley

in La Chapelle des Scrovegni de Padoue, http://www.italia.it/fr/idees-de-voyage/


 C’est la comète de Halley dans l’un de ses passages les plus spectaculaires, elle fut observée en septembre et octobre 1301. Giotto, fasciné par le spectacle, la dessina immédiatement. Deux ans plus tard, en 1303, Scrovegni lui passait commande d’une Adoration des mages pour la chapelle de Padoue. Giotto surplomba l’étable de cette comète dont le spectacle l’avait si fortement marqué, une scène mi-diurne, mi-nocturne, difficile à rendre, surtout dans les bleus sombres.

 

La Nativité dans le premier art chrétien

Dans La Nativité et le temps de Noël, 2003, Jean Guyon*, consacre un article à La Nativité dans le premier art chrétien : « Sur 95 représentations paléochrétiennes recensées sur les cuves et couvercles de sarcophages, 84 représentent les Mages et l’Etoile. Le thème de la Sainte Famille est totalement inconnu de l’Antiquité au point que Joseph, jusqu’au 5e siècle, est absent des représentations. A l’extrême fin du 4e siècle, la Nativité est réduite à l’Enfant Jésus dans son berceau et à l’âne et au bœuf qui veillent sur lui ».

 

L’âne et le bœuf

— Pourquoi un âne et un bœuf ?

 C’est une légende tardive, 2e siècle. Un texte apocryphe attribué à un pseudo-Matthieu tente de justifier la présence de l’âne et du bœuf par une prophétie boiteuse du prophète Isaïe et une sentence évasive du prophète Habacuc « entre deux animaux ». On peut trouver des explications plus solides.

Commençons par rappeler un passage de l’Exode relatif à la Loi juive sur « l’année sabbatique » et le « jour du sabbat » :

« Pendant six ans tu ensemenceras la terre et tu engrangeras le produit, mais la septième année tu la laisseras en jachère et tu en abandonneras le produit; les pauvres de ton peuple le mangeront…

…Pendant six jours tu feras tes travaux, et le septième jour tu chômeras, afin que se repose ton bœuf et ton âne et que reprennent souffle le fils de ta servante ainsi que l’étranger ».

Exode 23, 10-12

Jésus a fermement dénoncé l’interprétation rigide du sabbat et l’hypocrisie des pharisiens, mais demeure respectueux du repos sabbatique.

Luc rappelle les paroles de Jésus : « le Fils de l’homme est maître du sabbat » puis rapporte trois épisodes, les épis arrachés, la guérison de la femme courbée, la guérison d’un hydropique, où Jésus nous interpelle :

« Lequel d’entre vous, si son « âne«  ou son « bœuf«  vient à tomber dans un puits ne l’en tirera aussitôt, le jour du sabbat ?».

Luc 14, 5

On imagine fort bien qu’un néophyte chrétien, un païen ignorant la bible, fraîchement converti lors d’un prêche de Luc, ou de l’apôtre Paul, ait retenu ce passage qui l’avait marqué et en ait répandu la légende ; il aurait pu sculpter un âne et un bœuf sur un sarcophage sans connaître l’origine de cette légende ni ce qu’avait pu dire ou ne pas dire le prophète Habacuc ?

Cette phrase de Jésus concernant le respect raisonnable du sabbat, relayée par Luc, est un encouragement au bon sens, en évitant les comportements ridicules et stériles. C’est peut-être l’un des messages les plus profonds de Jésus : une incitation à cultiver notre « Intelligence » et à garder notre « Liberté de jugement ». Jésus en donne lui-même l’exemple. Les préceptes dogmatiques contenus dans les Livres Sacrés ne peuvent être contraire à la Raison.

 

Un sarcophage paléochrétien du 4siècle à Arles

Fernand Benoit*, Directeur des Antiquités de Provence, a découvert et étudié les Sarcophages paléochrétiens d’Arles et de Marseille, (1954) : « L’un des sarcophages d’Arles, du 4siècle, un sarcophage à strigiles en marbre de Saint-Béat, est considéré comme le chef-d’œuvre de la sculpture Arlésienne ». Un sculpteur ne peut tout représenter sur un sarcophage car il y a peu de possibilités pour inclure des détails, surtout sur du marbre qui ne s’y prête pas; il doit faire des choix.

« La scène est en deux registres superposés :

Dans le registre du haut : l’Enfant dans son berceau occupe toute la place centrale, la vierge Marie est à gauche, un berger tenant son bâton est à droite, rappel de l’évangile de Luc ; derrière, en deuxième plan, l’âne et le bœuf, encore un rappel de la prédication de Luc, comme nous venons le voir.

Dans le registre du bas : trois mages, au bonnet phrygien, tout guillerets, «…à la vue de l‘astre, ils se réjouirent vivement d’une grande joie… » évangile de Matthieu ; les mages désignent du doigt l’Etoile qui a été reportée au-dessus du registre du haut, au dessus de l’Enfant et de sa Mère ».

Sarcophage paléochrétien d’Arles


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 https://artmiens.woerpress.com Bas-relief sarcophage 4é siècle Musée départemental Arles Antique. F. Benoit*, 1954, Sarcophages paléochrétiens d’Arles et de Marseille. J. Guyon*, 2003, La naissance de Jésus dans le premier art Chrétien


Est-ce délibéré de la part du sculpteur ? Luc dans un registre, Matthieu dans l’autre ? Les bergers, premiers arrivés, sont à la place d’honneur près du berceau. Les Mages arrivés plus tard sont dans le registre du bas. Le sculpteur a fait le choix de privilégier l’Etoile, signe d’un Temps Nouveau, plutôt que les présents, l’or, l’encens et la myrrhe.

 

 Les Rois Mages

Dès les premiers siècles le nombre des Mages fut fixé à trois, en raison des trois présents, l’or, l’encens et la myrrhe. Les anglo-saxons les nomment Wise Men, « les Hommes Sages ». Ils sont coiffés du bonnet phrygien ; la Phrygie est située entre la mer Egée et le Pont-Euxin; le bonnet phrygien est devenu le bonnet rouge des révolutionnaires. Sur la mosaïque de Ravenne du 6e siècle les Mages au bonnet phrygien sont nommés Balthazar, Melchior et Gaspar. A l’approche du 10e siècle, on représente les Rois Mages avec une couronne.

Dans la bible, le prophète Daniel, surnommé Baltassar, est le conseiller, qui réussit à interpréter le songe de Nabuchodonosor. Ce rêve se réalise. Une année plus tard Nabuchodonosor meurt. Le nouveau roi, fils de Nabonide, se nomme aussi Balthazar ; il fait aussi appel au prophète Daniel pour résoudre une énigme. Ces noms ont pour origine le dieu Bel de Babylone et Balthazar voudrait dire « Bel protège le roi ».

Florence : Divine comédie de Dante et orbites des planètes

 

 

Florence : Divine comédie de Dante et orbites des planètes


Depuis l’époque des chaldéens et de Pythagore une belle étape intellectuelle avait été franchie : la voûte céleste n’était plus un plafond où seraient accrochées les planètes et les étoiles mais un espace à trois dimensions. Dans plusieurs œuvres d’art du Moyen-Age et de la Renaissance, fresques ou vitraux, gravures et enluminures, tableaux des plus grands peintres, le ciel est représenté sur 7 niveaux successifs répartis en profondeur, et cela qu’il s’agisse du Christ en majesté, Créateur du Monde ou de l’Echelle de Jacob avec des anges montant au ciel.

 

La Divine Comédie de Dante par Domenico di Michelino

Je propose d’aller au Duomo de Florence voir la Divine Comédie de Dante par Domenico di Michelino. Elle est ici dans le bas-côté gauche de la cathédrale.

 Derrière Dante je reconnais la ziggurat, avec ses 7 terrasses : depuis Saturne au 1er niveau, „… à la Lune au 7niveau. Au-dessus de la ziggurat les 7 niveaux du ciel : la Lune, la plus rapide sur la plus basse orbite, jusqu’à Saturne, la plus lente sur l’orbite la plus haute. Chaque planète, accompagnée de son symbole, est dessinée sur une orbite en arc de cercle et chaque zone orbitale se distingue par sa couleur.

 Souvent les artistes écrivaient en toutes lettres le nom de la planète et à côté leur période de retour devant les étoiles, tu les connais : 27 jours pour la Lune, …à 30 ans pour Saturne.

 Mais, il manque Jupiter ?

 Non, cette planète doit être cachée derrière cet horrible encadrement posé par un iconoclaste. Jupiter est situé sur l’avant-dernière orbite mais comme l’artiste a placé Jupiter à son point culminant, au méridien cette planète se retrouve cachée derrière le cadre, tandis que Saturne, située sur la dernière orbite plus lointaine, se lève à peine, et on peut la voir dans l’angle gauche.

 Oh ! Juste dans l’angle, la sphère étoilée ! au-delà du système solaire.


florence

image http ://timelineflorence.com/ Artiste  and Writers . Remerciements.

Florence, Duomo, tableau de Domenico di Michelino, daté de 1465, situé dans le bas-côté gauche de la cathédrale de Florence. Au premier plan Dante Alighieri, 1265-1321, tenant son poème de 100 chants la Divine Comédie Enfer-Purgatoire-Paradis. En arrrière-plan une ziggurat à 7 terrasses. Dans le ciel, de droite à gauche : le Soleil, Vénus, Mars, Mercure, Saturne et au delà du système solaire la sphère étoilée, dans l’angle gauche.


Les niveaux célestes des planètes…et des anges!

Un bel ouvrage, Figures du ciel, publié en 1998, par les astrophysiciens Marc Lachièze-Rey et Jean-Pierre Luminet* avec le concours de la Bibliothèque nationale de France montre ces magnifiques représentations des 7 niveaux des planètes comme le De philosophia mundi de Guillaume de Conches 1276 ou le Livre du Ciel de Nicole Oresme, 1377. D’autres représentations christianisées, comme La destinée de l’âme du 12e siècle, ajoutent au-dessus de Saturne les niveaux des anges, chérubins ou séraphins, puis ceux des archanges, et à l’apogée le Christ, Créateur de Tout.

 

La mandorle

Medieval views of the cosmos d’ Edson and Savage-Smith*, montre une représentation très instructive du Songe de Scipion selon les commentaires de Macrobe, datée du 14e, avec les 7 niveaux des planètes, les étoiles réparties en profondeur dans l’espace et la Voie lactée, tracée comme une « mandorle » constituée d’une multitude d’étoiles (voir en page 10). La mandorle ou « amande » est la figure géométrique limitée par deux arcs de cercles verticaux. Elle est très répandue dans l’iconographie chrétienne. Elle englobe le Christ Créateur du Monde sur les porches des cathédrales gothiques comme sur les fresques des églises d’Orient et d’Occident. Dans le songe de Scipion la Mandorle représente la Voie lactée, mais souvent elle représente la bande écliptique avec la Lune et le Soleil. La constellation australe de la Croix du Sud ainsi rebaptisé par Magellan était nommée La mandorle par Vasco de Gama, ce sont les Quatre étoiles claires citées par Dante. Ces quatre étoiles, qui figurent dans le catalogue d’Hipparque, étaient alors visibles de Rhodes.

La grande bibliothèque de Césarée la Maritime

 

 

La grande bibliothèque de Césarée la Maritime

 

 — Allons à Césarée, la grande ville portuaire construite par Hérode le Grand. Ce port qui rivalisa avec celui d’Alexandrie était un lieu de départ au long cours vers Rome mais aussi un lieu de passage vers les cités de Grèce et d’Anatolie. Césarée fut un pont entre les deux Eglises de Jérusalem et d’Antioche, saint Paul y séjourna.

« Pour Luc, l’auteur des Actes des apôtres, Césarée la romaine, est un lien avec la jeune Eglise de Rome mais c’est aussi la ville où la foi chrétienne, encore imprégnée de judaïsme, se communique à des non circoncis ».

Maurice Carrez*, 1988.

« La bibliothèque de Césarée recélait les écrits des premiers chrétiens et les œuvres des Pères de l’Eglise : Justin, Ignace d’Antioche, Origène, Eusèbe de Césarée, Pamphile, Porphyre, Grégoire de Naziance, Hilaire de Poitiers, Eusèbe de Verceil et saint Jérôme »

Irénée Fransen*, 1988.

« Saint Jérôme, [il maîtrisait parfaitement l’hébreu, l’araméen et le grec], assure qu’il a vu un exemplaire hébreu de saint Matthieu qui était gardé dans la bibliothèque de Césarée, à Bérée et ailleurs… » et « Saint Athanase dit que saint Jacques évêque de Jérusalem y a traduit en grec l’original de saint Matthieu ».

Augustin Calmet*, 1726.

— N’y a-t-il pas d’autres textes anciens qui parlent de l’étoile de Bethléem ?

— Si, on va commencer par le Livre de Jacques et la Lettre d’Ignace d’Antioche qui nous apportent une description plus précise du phénomène astronomique, car avec l’évangile de Matthieu on a été frustré.

 

L’astre de Bethléem dans le Livre de Jacques

Le Livre de Jacques, nous dit Origène, a pour but « de sauvegarder la dignité et la virginité perpétuelle de Marie ». Le texte remonte à la fin du 2e siècle B.C., on l’appelle souvent évangile apocryphe parfois protévangile mais ce n’est pas un évangile puisqu’il n’évoque à aucun moment la prédication de Jésus. L’auteur, Jacques, se présente comme frère du Seigneur et fils de Joseph témoin des faits qu’il rapporte. L’action qui se déroule entre 30 B.C. et 2 B.C.  se situe à Jérusalem et nous présente l’Enfance de Marie, puis la présence de Joseph, alors veuf et âgé, dans le champ clos du temple. Le texte grec a été constitué par Tishendorf*, 1876, à partir de 17 manuscrits, certains des 4e et 5e siècles, la plupart échelonnés entre les 9e et 14e siècles, sa traduction française par Emile Amann* date de 1910. Le Livre de Jacques nous apprend les noms de Joachim et Anne, les parents de Marie.

Le narrateur se présente comme un témoin de la Nativité : sur la route de Jérusalem à Bethléem Marie est alors montée sur l’ânesse, Joseph et ses fils à ses côtés, l’un d’eux, Jacques (l’auteur du texte), tient par la bride l’animal. Il précise l’endroit de la Nativité :

« au début du troisième mille »,

dans la campagne et à proximité d’une grotte. Cette précision topographique a permis à Simon Mimouni*, 2003, de rappeler:

« qu’en ce lieu, très exactement à mi-chemin, a été construite, au 5e siècle, une église, dite du Kathisma, dans laquelle on a vénéré la Théotokos, la Mère de Dieu selon le concile d’Ephèse de 431 ».

Simon Mimouni*

Dès le début du 2e siècle Justin, Origène et Eusèbe de Césarée rapportaient que

« l’on montrait alors l’endroit, dans la campagne, où la Vierge avait déposé l’Enfant, un fait bien connu dans le pays, même de ceux qui sont d’une autre religion ».

— Et, notre conjonction de planètes, le Livre de Jacques en parle-t-il ?

— Oui, justement. Les Mages arrivent en Judée dans un grand tumulte, l’entrevue avec Hérode et la consultation des scribes sont identiques mais la réponse des Mages à Hérode fournit une description astronomique qui ressemble à une conjonction de planètes.

Lisons ce verset avec grande attention car le mot astre, en grec, a deux formes différentes aster et astron ; on les retrouve dans cette phrase à 3 reprises, dans l’ordre aster, astron, aster. Surveille aussi les singuliers et les pluriels.

— J’y vais :

« Nous avons vu ”un astre” extrêmement grand, brillant ”entre ces astres-ci” et les éclipsant tous au point que ”les autres astres” ne paraissaient plus ».

Livre de Jacques

J’ai compris :

  • la 1ère fois, il y a un singulier, il s’agit de l’astre Jupiter, 10 fois plus brillant que les autres,
  • la 2e fois, un pluriel, il s’agit d’astres voisins, moins brillants. Je pourrais imaginer Jupiter à côté d’une étoile brillante située sur l’écliptique telle Régulus, Aldébaran, Antarès ou l’Epi de la Vierge, mais à côté d’un groupe d’étoiles brillantes sur l’écliptique c’est impossible car elles sont éparpillées et fixes, par contre les planètes errantes peuvent venir former un petit groupe autour de Jupiter et il suffit de deux planètes pour justifier l’emploi du pluriel,
  • la 3e fois, un pluriel, « au point que ”les autres astres” ne paraissaient plus » ; ici, cet ensemble d’astres ne peut être que des étoiles, « des étoiles faibles au point de disparaître ».

La constellation des Poissons correspond à cette description surtout par contraste avec sa voisine, la riche Orion, qui lui succède au méridien. Les étoiles du signe des Poissons sont tellement faibles qu’avec mes copains amateurs j’ai du attendre les nuits sans Lune pour identifier les deux Poissons et leurs deux cordes qui se rejoignent au nœud.

— Effectivement, comme tu as pu le contrôler avec stellarium, la constellation des Poissons est constituée d’étoiles pâlottes. Elle est vaste et s’étend sur 37° de l’écliptique. Eratosthène de Cyrène*, 3e siècle B.C., y dénombrait 39 étoiles, 12 pour le Poisson-nord, 15 pour le Poisson-sud, 3 sur la corde que tire le Poisson-nord, 6 sur la corde que tire le Poisson-sud, et 3 sur le nœud qui relie les deux cordes, dont a Pisces qu’Eratosthène nommait le ”Nœud céleste” car elle était alors très proche du point d’équinoxe, (le point g), situé à la croisée de l’équateur et de l’écliptique.

Les étoiles de la constellation des Poissons sont vraiment très faibles : la plus brillante, α Pisces, est de 4e magnitude seulement, beaucoup d’entre-elles sont de 5e et 6e magnitude, une dizaine sont plus faibles que la 6e grandeur ce qui prouve que ces sites désertiques était excellents pour les observations astronomiques ou qu’Eratosthène avait bonne vue.

— Je peux vérifier tout cela avec stellarium.

 

aster et astron pour l’astronome Achilles et pour le poète Aratos

— Du calme, prenons le temps d’examiner avec soin la différence cruciale entre les deux variantes aster et astron. Le ”Chantraine”, dictionnaire étymologique de la langue grecque, nous apprend que astron est l’ancienne forme, plus générale, utilisée par Homère. On utilise astron pour parler des astres de manière indéfinie ceux dont le lever indique les saisons, ceux qui annoncent les vents, les pluies ou l’arrivée des oiseaux, les astres qui guident les marins. La forme astron est la racine de noms : astronomie, astrologie, astrolabe… des adjectifs : astral, astronomique… que l’on retrouve dans les expressions : phénomène astral, phénomène astronomique ou astrologique. On peut ajouter que le mot astron avec ce sens de ”phénomène astral”, est utilisé dans l’oracle de Balaam et dans les Testaments des 12 Patriaches.

« Qu’est-ce vraiment ”aster” ? Qu’est-ce au contraire ”astron” ?»,

sous cet intitulé de la préface des Phénomènes astronomiques du poète Aratos, l’astronome grec Achilles, 3e siècle B.C. a montré la différence décisive entre les formes aster et astron.

L’helléniste Roberta Caldini-Montanari*, 1996, synthétise ainsi :

« la variante ”astron” a un caractère ”collectif” et désigne un corps constitué d’éléments, un sous-ensemble à l’intérieur d’un ensemble indifférencié, un groupe d’astres [étoiles ou planètes] ».

Roberta Caldini-Montanari*, 1996.

On peut affirmer aujourd’hui que, dans le Livre de Jacques et dans la Lettre d’Ignace d’Antioche, le nom astron possède ce caractère de ”collectif”.

Quant à l’usage d’aster et d’astron par les astronomes eux-mêmes, il nous est donné par Géminos de Rhodes, fl. 55 B.C. Dans les Phénomènes célestes, Géminos* utilise la forme aster 460 fois, pour désigner aussi bien des étoiles que des planètes, mais il n’utilise astron qu’en deux occasions pour les Pléiades et pour les Hyades, qui sont des ”amas” d’étoiles, des entités physiques et des groupes naturels d’étoiles ; rien à voir avec les constellations, zodion, qui sont des regroupements arbitraires et artificiels constitués par les astronomes pour se reconnaître plus aisément dans le ciel.

Cet éclairage astronomique sur astron autorise aujourd’hui Marie-Hélène Georgelin* à traduire ainsi le Livre de Jacques :

« Hérode interrogeait les mages avec insistance :

” Quel est donc ce signe que vous avez vu dans le ciel et qui allait vers le lieu où vient de naître le fameux Enfant Roi, celui qui est issu d’une filiation illustre ? ”.

Les mages lui dirent alors :

”Nous avons vu un astre d’une taille considérable, brillant telle une torche au milieu d’un ensemble de planètes proches et faisant pâlir jusqu’aux étoiles elles-mêmes, à tel point que l’on pouvait craindre qu’elles ne retrouvent plus leur éclat propre” ».

Protévangile de Jacques

De nombreuses variantes sont possibles, laissons les hellénistes en débattre : « faisant corps avec les astres alentours », « au milieu d’un ensemble d’astres bien connus de nous », « au milieu d’un ensemble d’astres proches de nous ».

La traduction « astres proches de nous » reflète la réalité il s’agit d’astres proches de nous en distance, des planètes, plus proches que les autres astres, les étoiles. Les astronomes chaldéens et grecs savaient depuis des siècles que les planètes sont plus proches de nous que les étoiles. Sur leur route, avant même d’arriver à Jérusalem, les Mages ont certainement expliqué ce regroupement de planètes aux témoins, curieux et badauds : Jupiter, la plus brillante, accompagnée de Saturne puis Mars, une explication qui s’est ensuite transmise sous diverses formes.

 

Le manuscrit Bodmer V du Livre de Jacques en Haute-Egypte, 

Y a-t-il d’autres textes ont-ils été oubliés ou négligés utilisés ?

— Oui, mais attends un peu, on n’a pas fini avec celui-là. Pour chaque texte on dispose de 5, 10, 20 parfois même 50 manuscrits qui ont été recopiés à divers époques, ils ne sont pas tous complets, certains sont légèrement différents, curieusement les derniers découverts peuvent être parmi les plus anciens. En 1953, alors qu’elle résidait au Caire, Odile Bongard* fut étonnée de découvrir des papyrus fort anciens dans la boutique d’un antiquaire. Ces papyrus, fort bien conservés, provenaient du désert de Haute-Egypte au climat sec, il s’agissait d’un manuscrit du Livre de Jacques qui fut ainsi sauvé et figure dans la collection du mécène Martin Bodmer sous le numéro ”Bodmer 5”. Il s’agirait de l’un des plus anciens manuscrits de ce pseudo-évangile, et daterait du 2e siècle pour certains, du 4e siècle pour d’autres. Malheureusement je n’ai pas eu accès au texte grec. Ce manuscrit récemment retrouvé du Livre de Jacques, parle tantôt ”d’un astre”, tantôt ”de plusieurs astres” ce qui sembla une incohérence supplémentaire dans ce livre si peu crédible. On comprend la rudesse des critiques. En fait cette incohérence n’est qu’apparente.

— Je vais lire ce passage du manuscrit ”Bodmer 5” :

« Cette nouvelle alarma Hérode qui dépêcha des serviteurs, les convoqua et ils le renseignèrent sur l’étoile. Et voici, ils virent ”des astres” à leurs levers et les astres les guidaient jusqu’à leur arrivée dans la grotte et l’étoile s’arrêta au dessus de la tête de l’enfant ».

Protévangile de Jacques, manuscrit Bodmer 5

—France Quéré*, 1983, a traduit aster par étoile mais cela n’a aucune incidence, seuls les singuliers et les pluriels sont importants car à la lecture on a successivement ”une étoile”, ”des astres”, ”les astres” et à nouveau ”l’étoile”. Une anarchie à faire hurler les commentateurs déjà mal disposés, une incohérence de plus, dirent-ils, dans une liste déjà longue d’invraisemblances.

Ce verset, au contraire, correspond parfaitement au regroupement des 3 planètes supérieures dominé par l’éclatante Jupiter. L’auteur rapporte deux aspects différents du même phénomène :

  • un groupe d’astres (des planètes, Saturne et Mars) quand ce sont les mages-astronomes qui parlent, ou quand on les fait parler,
  •  un astre unique (Jupiter), plus brillant que tous les autres, quand la parole est à Hérode ou aux témoins.

Les Mages répondent en pensant au groupe Jupiter, Saturne et Mars, les autres témoins posent des questions en voyant l’éclatant Jupiter.

 

 « Un astre brillait du soir au matin »…

ce qui exclut la planète Vénus

— De qui donc est cette phrase ?

— Elle est extraite d’un autre texte apocryphe, ”le pseudo-Matthieu”, attribué à quelqu’un de l’entourage de cet évangéliste. Ce texte ressemble au Livre de Jacques, il développe lui aussi les 2 récits de la Nativité, l’Etoile & les Mages et le recensement d’Auguste. Ce texte apporte des détails à la description de l’Etoile. Voici la traduction française de Ch. Michel*, 1924.

— Je lis le passage :

« Et une grande étoile brillait au dessus de la grotte depuis le soir jusqu’au matin, et jamais, depuis le commencement du monde, on n’en n’avait vu de si grande. Et les prophètes qui étaient à Jérusalem disaient que cette étoile indiquait la naissance du Christ, qui devait accomplir les promesses faites non seulement à Israël mais à toutes les nations ».

pseudo-Matthieu, évangile apocryphe

 — Une grande étoile qui brille du soir au matin cela ne peut pas être Sirius, la plus brillante des étoiles, dont la déclinaison est négative (-16° 40’). Cela exclut surtout la planète Vénus l’astre le plus brillant après le Soleil et la Lune dont la magnitude apparente reste comprise entre -4 et -5 la plupart du temps ; en effet Vénus ne peut être visible toute la nuit car cette planète ne s’écarte jamais à plus de 47° du Soleil.

Par contre cela correspond bien aux planètes supérieures dont l’éclatante Jupiter, alors à la déclinaison équatoriale, et en position ad-hoc sur son orbite, à l’opposé du Soleil (″lever acronuctal″) en date du 15 septembre 7 B.C. Jupiter était alors visible toute la nuit : déjà levé à la tombée de la nuit, pas encore couché à la fin de la nuit.

— Oui, un créneau de quelques jours compris entre son premier ”lever du soir” et son dernier ”coucher du matin” pour reprendre le langage de Géminos de Rhodes. Pendant ces quelques jours Jupiter brillait du soir au matin. Cette description correspond bien à la phase du 15 septembre 7 B.C., Jupiter est alors à l’opposé du Soleil, c’est un argument supplémentaire pour écarter la possibilité d’une comète ou d’une supernova. Mais, attention, ce témoignage sur la visibilité de l’astre ”du crépuscule à l’aube” ne décrit qu’une phase de ce long phénomène. Nous allons voir qu’Ignace d’Antioche, quant à lui, va nous décrire une autre phase qui se déroula 6 mois plus tard, en février et mars 6 B.C.

 

Ignace d’Antioche, Lettre aux Ephésiens

— Les lettres d’Ignace d’Antioche ont semblé suspectes aux experts qui, presque unanimes, les ont considéré comme des textes apocryphes du 2e siècle à l’exception de son Epître aux Romains écrite par Ignace lui-même lors de son exil vers Rome pour y subir le martyr en 105 environ. Comme l’a brillamment montré Ernest Renan, le paragraphe 19 de la Lettre aux Ephésiens relatif à l’Etoile est également authentique, d’Ignace lui-même, ce qui le situe au 1er siècle lors d’une 2e génération de témoins ayant gardé en mémoire la conjonction de planètes. Dans cette Lettre aux chrétiens d’Ephèse, ici traduite par Augustin Calmet*,  Ignace d’Antioche*, un grec d’origine syrienne, rappelle comment fut annoncé aux hommes le mystère de la Nativité.

— Je vais lire le passage de cette lettre, et à l’aide de stellarium je pourrai la commenter :

« Cet astre jetait un éclat qui surpassait celui de toutes les autres astres, et que le Soleil, la lune et les autres astres, lui servaient comme de compagnie, et formaient son cortège. Il dominait sur tout cela par son éclat, et tout le monde était dans l’admiration en considérant cette nouvelle lumière ».

Lettre d’Ignace d’Antioche aux Ephésiens

— Cet astre qui surpasse tous les autres étoiles du ciel :

…c’est  Jupiter,

les autres astres qui lui servent de compagnie et forment son cortège :

…c’est Mars et Saturne, le long de l’écliptique.

La configuration ultime avec le Soleil et la Lune à proximité (photo stellarium) correspond à une nuit proche de la Nouvelle Lune.

— Je vais chercher les dates des nouvelles Lunes sur stellarium. J’y suis, deux dates conviennent bien : le 22 février 6 B.C. (-5/2/22) et le 22 mars 6 B.C. (-5/3/22). Le Soleil vient de se coucher, il est suivi de Saturne et Mars ”tenant compagnie” au royal Jupiter, la Lune fermant le ”cortège”.

Mercure et Vénus étaient déjà couchées, bien avant le Soleil, mais, quelques heures plus tard, à l’aube, on les voit se lever dans d’excellentes conditions : Vénus d’abord, puis un temps plus tard, Mercure, à son élongation maximum, donc aisément visible. Mes copains astronomes amateurs n’ont pas encore tous rencontrés les bonnes conditions pour observer Mercure.

 

 Eusèbe de Césarée, un traité syriaque Sur l’Etoile

En 1866, William Wright* découvrit un manuscrit syriaque On the Star datant du début du 5e siècle. Ce traité Sur l’Etoile attribué à Eusèbe de Césarée, 265-34, contient une phrase riche de sens :

« Les Mages, également, étaient particulièrement intéressés de connaître quand l’astre se lèverait et deviendrait visible méditant ce qui, d’aventure, pourrait arriver à son lever ».

Sur l’Etoile, attribué à Eusèbe de Césarée

Les Mages parlent de l’Etoile au ”futur” comme d’un astre connu dont ils attendent le lever, et non d’un astre ”imprévisible” ce qui exclut supernova ou comète. Ils attendent le Temps où « l’astre ”se lèvera” et ”deviendra visible” », c’est un pléonasme dans le texte syriaque, une répétition qui nous apprend que cet astronome syriaque utilise simultanément les langages astronomiques grecs et chaldéens.

Les Mages étaient « particulièrement intéressés de connaître quand… », connaître le Temps, toujours la même question, celle déjà posée à Hérode. Connaître le Temps où Jupiter et Saturne se lèveraient et dérouleraient leur triple conjonction, « …méditant ce qui, d’aventure, pourrait arriver…», oui ce curieux ballet de planètes avait de quoi intriguer les astronomes chaldéens.

 

Un astre vraiment curieux ! Seuls les Mages l’ont vu.

L’étoile de Bethléem ne fut ni une supernova hyper brillante, ni une comète spectaculaire. Il n’y eut aucun astre nouveau, rien d’exceptionnel, rien qui puisse troubler ceux qui contemplent la voûte étoilée pour sa beauté et sa poésie. On assista pendant 10 mois à un ballet discret, presque imperceptible de Jupiter et de Saturne, mais un ballet très rare qui s’acheva quand la 3e planète supérieure, Mars, vint rejoindre Jupiter et Saturne dans une grande conjonction située au point d’équinoxe.

Voir deux planètes, Jupiter et Saturne, naviguer de conserve, se pourchasser et s’entrelacer au voisinage du point d’équinoxe, est fascinant pour un astronome…mais ce lent spectacle discret ne pouvait capter l’attention des bergers, d’Hérode ou des Grands Prêtres. Rien dans le ciel qui ne change brutalement d’une nuit à l’autre, rien de super éclatant, rien qui ne puisse retenir spontanément l’attention.

L’événement serait resté inaperçu sans l’arrivée des Mages. Pourtant ce ballet de planètes, cette pirouette synchronisée de Jupiter et de Saturne avait de quoi intriguer et même interpeller ; on aurait alors pu y voir un signe, un «clin d’œil» ou un message divin comme le suggère quelques textes.

Un berger observant le ciel pendant 300 nuits consécutives aurait pu remarquer cette course curieuse des planètes, mais seul un astronome pouvait avoir conscience de l’originalité et de la rareté de ce regroupement de planètes.

 

 « Cet astre semblait être intelligent et raisonnable »

« Cet astre semblait être intelligent et raisonnable »

Jean Chrysostome

selon le témoignage de Jean Chrysostome (349-407) et d’autres Pères de l’Eglise. Nul doute que cette description astronomique assez perspicace soit une information laissée par les Mages : c’est vrai, le ballet synchronisé de Jupiter et de Saturne semblait un mouvement réfléchi, intelligent”.

D’ordinaire, on observe chaque planète suivre sa course à travers les étoiles du zodiaque selon sa propre orbite, conformément aux lois de Képler , mais ici on oublie les faibles étoiles de cette constellation des Poissons qui jalonnent leur course : l’oeil est désormais attiré par le mouvement relatif de ces deux planètes éclatantes, Jupiter et Saturne, qui tantôt se rapprochent, tantôt s’écartent l’une de l’autre. Elles semblent se ”chercher” comme dans une course poursuite, un jeu du chat et de la souris, un ballet synchronisé. Les deux planètes semblent communiquer entre elles et vouloir nous laisser un message.

 

Les centons homériques sur la Nativité

« L’art du centon est un jeu littéraire qui consiste à composer un récit nouveau, sur des vers anciens en utilisant des formules païennes pour exprimer, sans blasphème, des vérités religieuses ».

Didier Pralon*

Didier Pralon, 2003, poursuit en nous livrant une bel exemple avec Les centons homériques sur la Nativité, attribués à l’Impératrice Eudocie-Athénaïs [ 400-460 ]. C’est une reconstitution du récit de la Nativité, inspirée de Luc et Matthieu, qui est écrite pour les premiers chrétiens de culture grecque avec des passages empruntés à Homère et à Euripide. Les premières générations de citoyens grecs qui se convertissent au christianisme y retrouvent leurs racines culturelles, leur mythologie, leurs légendes ancestrales et leurs récits épiques.

Une manière pour cette Impératrice de situer le christianisme dans la culture grecque où il s’est développé, à Antioche, et pour le positionner par rapport à une religion rivale : l’hellénisme, comme le souligne Ernest Renan* :

« L’hellénisme était beaucoup moins usé que les autres religions de l’Empire [qui entretenaient les superstitions et les mystères]. Plutarque, 46-129, vécut de l’hellénisme, tranquille et heureux, content comme un enfant avec la conscience religieuse la plus calme. Chez lui, pas une trace de crise, de déchirement, d’inquiétude, de révolution imminente. Mais il n’y avait que l’esprit grec qui fut capable d’une sérénité si enfantine. Toujours satisfaite d’elle-même, fière de son passé et de cette brillante mythologie dont elle possédait tous les lieux saints, la Grèce ne participait pas aux tourments intérieurs qui travaillaient le reste du monde ; seule elle n’appelait pas le christianisme ; seule, elle voulut s’en passer ; seule elle prétendit mieux faire. Du 1er au 4e siècle de notre ère, avec sa mythologie et ses légendes, sa philosophie et ses anciens sages, l’hellénisme sera la seule concurrence au christianisme ».

Ernest Renan, les Apôtres

— Mais alors ces vers anciens  ne nous apprennent rien de particulier sur l’Etoile de Bethléem ?

— Exact, mais ils apportent une vision de l’astronomie primitive de l’époque Homérique (pré-Thalès et pré-Pythagore) qui imprégnait les peuples et encore leur élite, philosophes et prophètes.

Ces centons homériques développent le thème de l’Incarnation et de la Nativité : un astre dans le ciel indique la naissance d’un nouveau dieu fait homme, né d’une Vierge ; des bergers sont les premiers témoins ébahis. Un thème présent dans d’autres civilisations. La merveille d’une naissance prodigieuse. Voici quelques extraits présentés par Didier Pralon* :

« Alors quand celui-là, l’Eileithuia des douleurs de l’enfantement,

L’amena à la lumière, quand il vit les rayons du Soleil,

Quand un éclat monta jusqu’au ciel et quand le sol sourit tout alentour,

Tous rassemblés, jeunes et vieux,

S’étonnèrent et leur âme à tous tomba à leur pieds,

Tandis que l’astre s’arrêtait là-haut, très brillant, lui qui, plus que tout,

Brille splendide, ” lavé dans l’Océan ,

Montrant un signe aux mortels […]

A le voir un berger qui garde ses brebis laineuses au champ

S’étonna dans son âme ; car il pensait que c’était Dieu ».

Un autre centon développe le mystère et la merveille de l’Incarnation :

Celui qui règne sur tous, mortels et immortels […]

Alors, il vint, et comme un enfant plongea sous sa mère ;

Il se donnait l’apparence d‘un autre, un mortel, en se dissimulant,

Il se fixa sur dans le bas-ventre près d’Eileithuia

Il délia la ceinture virginale et fit couler le sommeil.

Elle gravide, engendra un enfant aux pensées puissantes,

Et la Vierge respectable le fit sortir à la lumière.

Et il vit les rayons du soleil.

Il avait pris l’apparence d’un homme ».

Centon homérique attribué à Eudocie-Athénaïs

 

Astronomie grecque… et biblique

Avec ces centons, on plonge dans la culture astronomique grecque du temps du poète Homère 9e siècle B.C., mais aussi du temps de Thalès, 6e siècle B.C., où la Terre, plate, flotte sur l’Océan. Chaque nuit le Soleil plonge dans l’Océan et chaque matin un nouveau Soleil, ”lavé dans l’Océan” (Homère, Odyssée XIII, 93), émerge à l’aube, sur une orbite légèrement décalée. Le philosophe Héraclite d’Ephèse (576-480 B.C.) imaginait encore :

« un Soleil qui descend dans les régions souterraines, alourdi par l’eau de la mer qu’il a traversée, il a perdu la  mémoire, se régénère dans le feu qui subsiste dans le séjour d’Hadès et ce nouveau soleil reparaît à l’horizon du levant ».

Héraclite d’Ephèse

Les philosophes grecs se demandaient :

Que devient le Soleil pendant la nuit ?

et, poursuivaient-ils, …fort intrigués!

Que deviennent les étoiles pendant le jour ?

Il fut vraiment difficile pour les hommes d’admettre que, la nuit, le Soleil passe sous nos pieds. Pour Anaximandre, élève de Thalès, la Terre est un cylindre qui flotte sur l’air et le feu. Surprise, c’est dans le Livre de Job, l’un des plus anciens de la bible, qu’Ernest Renan a repéré un passage astronomique fort pertinent, la Terre flottant dans l’Espace, sur le vide et le néant :

Devant LUI l’abîme est sans voile,

Il étend le septentrion sur le vide,

Il suspend la Terre sur le néant.

Livre de Job

 

 Abbaye de Worcester, 1285 : Annales monastiques

En 1977, trois astrophysiciens de la Royal Astronomical Society de Londres ont retrouvé dans les Annales de l’abbaye de Worcester, éditées par Luard* en 1869, la trace d’une conjonction de Jupiter et de Saturne associée à la Nativité. Ce registre signalait

« qu’en cette année 1285, une conjonction de Saturne et de Jupiter s’était produite dans la constellation du Verseau et qu’une telle conjonction de Saturne et de Jupiter ne s’était produit ”depuis l’Incarnation”, et n’arriverait de nouveau avant longtemps comme il est estimé par les astronomes ».

Annales de l’abbaye de Worcester

C’est exact, en 1285, une conjonction simple de Jupiter et de Saturne, eut lieu dans la constellation du Verseau, elle était même extrêmement  resserrée, 0°17, selon les calculs de Clarke, Parkinson and Stephenson*.

Les Annales de Worcester ne précisent dans quel signe du zodiaque s’était produite la conjonction de l’ ”Incarnation, ni si elle était simple ou triple, mais l’essentiel est sauvé puisque les annales chrétiennes ont conservé durant plus d’un millénaire le souvenir d’une conjonction de Jupiter et de Saturne qui eut lieu l’année de la Nativité.

Balaam et les Mages dans la littérature hébraïque, araméenne, perse, arabe, arménienne et chrétienne

 

 

Balaam et les Mages dans la littérature hébraïque, araméenne, perse, arabe, arménienne et chrétienne

 

 — On sait maintenant que les Mages avaient prévu cette triple conjonction, mais alors, pourquoi ne sont-ils pas restés dans leur observatoire pour vérifier si son déroulement était conforme à leurs calculs ?

— Ils sont sans doute restés et ont envoyé une ambassade.

— Pourquoi ces ambassadeurs ont-ils pris la direction de la Judée ?

— C’est la bonne question. Ces astronomes qui prévoyaient les éclipses et les conjonctions des planètes dans les signes du zodiaque en usaient pour des présages astrologiques annonçant les grands événements du Royaume : les guerres, chance de Victoire ou risque de Défaite, avènement d’un nouveau Roi ou d’une nouvelle dynastie. Ils ne pratiquaient pas les horoscopes individuels comme aujourd’hui selon le jour de la naissance de chacun, seulement les grands changements politiques. Ces savants, conseillers influents des Rois et des Princes, décidaient du temps de la Paix et du temps de la Guerre, ils formulaient des Oracles concernant l’avenir du royaume. On a retrouvé trace de l’un d’eux en Phénicie, au 8e siècle B.C. : Balaam, fils de Béor originaire de Mésopotamie. Ce nom de Balaam (un mot issu de Bel, un dieu de Mésopotamie) réapparaît des siècles plus tard dans la bible où un dénommé Balaam, un païen donc, plaide en faveur de ses ennemis, le peuple d’Israël ; il prononce son Oracle : le lever d’un astre annoncera un nouveau roi parmi les descendants de Jacob.

Origène*, 185-254, Docteur de la bibliothèque de Césarée, de langue hébraïque et grecque, rapporte les traditions chrétiennes et juives du Ier siècle :

« Les Mages, [disait-il], voyant un signe venu de Dieu dans le ciel, désirèrent voir ce qu’il désignait…ils possédaient les oracles de Balaam ».

Origène* ajoutait :

«  Si les oracles de Balaam ont été introduits dans les livres sacrés à combien plus forte raison ont-elles été accueillies par les habitants de la Mésopotamie, chez lesquels Balaam avait grande réputation et qui sont connus comme ses disciples en magie. C’est à lui que la tradition fait remonter dans les pays d’Orient l’origine des Mages, qui, possédant chez eux le texte de toutes les prophéties de Balaam, avaient entre autres : une étoile sortira de Jacob et un homme se lèvera d’Israël. Les Mages possédaient ce texte chez eux. Aussi, quand naquit Jésus, ils reconnurent l’étoile et ils comprirent que la prophétie était accomplie».

Origène*

Le récit épique d’un Moabite félon

Le roi du pays de Moab, apeuré par les victoires d’Israël son nouveau voisin, envoie Balaam en ambassade pour maudire Israël avant de l’affronter. La bible indique « Balaam fils de Béor, à Pétor, sur le Fleuve [l’Euphrate], au pays des fils d’Ammav [connu par d’anciens textes cunéiformes] ». Voici un bref résumé de ce récit légendaire de la Bible, (Nombres 22 à 24) :

Balaam, monté sur son ânesse part en ambassade mais Yahveh intervient pour imposer sa réponse. Balaam affronte trois épisodes rocambolesques : un ange armé d’une épée barre la route et l’ânesse s’écarte à travers champs ; l’ange se tient alors dans un chemin creux, au milieu des vignes, avec un mur à droite et un mur à gauche l’ânesse s’échappe et Balaam la frappe à nouveau ; l’ange se tient alors dans un passage resserré où il n’y a pas d’espace pour passer, ni à droite, ni à gauche, l’ânesse se coucha alors sous Balaam. Yahvé ouvrit les yeux de Balaam, il vit alors l’Ange de Yahvé posté sur la route, son épée nue à la main. Balaam désormais loue et bénit son ennemi Israël au lieu de le maudire ; le moabite félon est alors chassé par son roi. Il prononce alors son dernier oracle prévoyant l’avenir heureux d’Israël :

 

Oracle de Balaam

 Je vais lire le texte :

« Oracle de Balaam, fils de Béor,

oracle de l’homme au regard pénétrant,

oracle de celui qui sait la science du Très-Haut,

Je vois ce qui arrivera mais ce n’est pas pour aujourd’hui

Je discerne un événement, mais il se produira plus tard :

Un astre se lève de Jacob,

Un souverain se dresse issu d’Israël… ».

Bible, Nombres 24, 16-17

Balaam se présente comme un devin qui connait la science, c’est certainement un astrologue chaldéen. Son oracle se distingue de toutes les autres prophéties qui portent sur l’attente d’un Messie, par deux mots astron (un astre) et anatolé, (le lever, l’apparition d’un astre) précisant qu’un astre dans le ciel annoncera sa venue. C’est une constante dans toutes les civilisations, un signe céleste annonce la venue d’un personnage important qu’il soit Pharaon, Empereur, Roi, Messie ou Prophète. On retrouve aussi le mot anatole dans l’évangile de Luc (1-78) mais ici au sens figuré, une lumière qui annonce une ère nouvelle, par opposition aux ténèbres marquant les périodes de guerre et de barbarie ; dans le christianisme Jésus est souvent appelé ”Lumière”.

 

La bible et l’astronomie

Dans la bible plusieurs prophéties annoncent la venue d’un messie, mais l’oracle païen de Balaam qui est ”réécrit” dans Nombres 22-24 est la seule prophétie annonçant qu’un astre dans le ciel sera le signe d’un nouveau Roi. Cette intrusion de l’astronomie dans la bible est étonnante car elle y a toujours eu une part congrue, dérisoire, si on la compare à l’astronomie assyrienne et babylonienne, puis à celle des grecs et des séleucides.

Dans la Genèse, le premier livre de la Bible, il est question de la création des luminaires, le Soleil et la Lune, et des étoiles  jamais de planètes ni de l’écliptique alors que mille ans plus tôt, en Mésopotamie, pays de Sumer, le poème de la Création, Enüma elish, parlait des 36 étoiles et des 12 constellations qui marquaient l’écliptique, la route des planètes.

On retrouve bien des traces d’astronomie dans le livre de Job mais comme l’a fort bien montré Ernest Renan elles sont dans la bouche de l’un de ses interlocuteurs, un étranger de la tribu iduméenne de Théman célèbre par ses ”sages” (cités par Jérémie, Obadia, Baruch) ; on attribue la provenance de leurs poèmes gnomiques et astronomiques aux rois arabes Lemuel et Agur.

 

L’oracle de Balaam et le Testament de Lévi

Quittons la Bible pour les écrits juifs apocryphes à la charnière du christianisme, 150 B.C. à 100 A.D., des manuscrits qui ont souvent subi des ajouts chrétiens. Cette littérature, poèmes sibyllins et textes apocalyptiques, permet de comprendre le développement de l’idée messianique au cours de cette époque d’exaltation qui débute sous le règne d’Antiochus Epiphane par le pillage du Temple suivi de la révolte des Macchabées.

La fin du Livre de Daniel, ouvre la voie à ces visions apocalyptiques et à  ces poèmes sibyllins. Citons le Livre d’Hénoch et l’Assomption de Moïse qui seront fort lus dans l’entourage de Jésus (Epître aux Hébreux), les Testaments des douze Patriarches et plus tard le quatrième Livre d’Esdras et l’Apocalypse de Baruch. Dans ces ouvrages on retrouve les expressions « lumière des nations » (Luc), « son existence n’aura pas de fin », « Fils de l’homme » et « Fils du Très-Haut » et de nombreuses répétitions de l’oracle de Balaam.

L’un de ces textes pré-chrétien, écrit au futur, le Testament de Lévi utilise successivement astron (l’astre) et anatélei (le lever/la première visibilité de l’astre) qui paraphrasent l’oracle de Balaam en ajoutant un troisième terme d’astronomie ouranos (le ciel) :

« L’astre prédit par le nouveau prêtre se lèvera dans le ciel tel une lumière qui s’allume pour nous révéler le Dieu-Roi ».

Testament de Lévi 

Cette phrase de l’oracle de Balaam, traduite par Marie-Hélène Georgelin 2014*, indique sans équivoque que les juifs de l’époque voyaient en cet astre une réalité dans le ciel comme plus tard de nombreux Pères de l’Eglise autour d’Origène.

Seuls quelques rares exégètes chrétiens modernes continuent hélas d’interpréter l’astre prédit par Balaam comme ”symbolique” et désignant le Messie lui-même et non comme un phénomène astronomique : prévision astronomique ou, à défaut présage astrologique. Les mêmes voient en l’Etoile de Bethléem un ”symbole”.

 

Balaam et l’inscription de Deir Alla

En 2008, André Lemaire*, spécialiste de la littérature araméenne a retrouvé à Deir Alla, sur un mur de brique, une inscription à l’encre rouge et noire faisant référence à Balaam, présenté comme un astrologue visionnaire  :

« Ces inscriptions de Deir Alla, datant du 8e siècle B.C., sont apparemment copiées d’un manuscrit littéraire rédigé à une époque plus ancienne. L’une de ces inscriptions, le

”livre de Balaam, fils de Béor, l’homme qui voyait les dieux”

concerne le voyant-prophète que l’on peut identifier avec le héros du livre biblique. Les inscriptions de Deir Alla nous ont révélé du même coup l’influence que cette littérature araméenne archaïque a exercé sur la littérature hébraïque antique de la Bible ».

André Lemaire*, 2008

Balaam ! et Zoroastre ! des sources syriaques

L’Evangile de l’Enfance, aujourd’hui disparu, est un texte en syriaque qui remonterait au 5e siècle. Il a servi de sources aux évangiles de l’enfance élaborées tardivement en latin, en grec, en arabe, en arménien et même en slavon. Ces récits sont des légendes qui prêtent à Jésus, encore enfant, des miracles fantastiques, même dès le berceau lors d’un hypothétique voyage en Egypte.

Concentrons-nous sur l’Evangile arabe de l’Enfance et sur le Livre arménien de l’Enfance qui sont instructifs sur l’étoile et les mages, et sur l’oracle de Balaam-Zoroastre. Ces textes ont été traduits par Paul Peeters*, 1914, à partir de manuscrits qui s’échelonnent du 5e au 19e siècle .

 

Evangile arabe de l’Enfance

L’Evangile arabe de l’Enfance débute par cette phrase « Il y eut, à l’époque du prophète Moyse un homme, initié aux sciences, appelé Zaradüst [Zoroastre] ». L’auteur, un métropolite copte du Moyen Age, poursuit : « ce Zaradüst n’est autre que Balaam l’astrologue ». Tous les manuscrits arabes connus mentionnent l’oracle de Zoroastre.

Ce récit légendaire se poursuit ainsi :

« les Perses, des adorateurs du feu et des étoiles, virent qu’une étoile ardente s’était levée sur la Perse. Quel est ce signe que nous voyons ? Et, comme par divination, ils dirent : ”Le roi des rois est né, le dieu des dieux est venu nous annoncer sa naissance pour que nous allions lui offrir des présents et l’adorer”

.Voici que des Mages arrivèrent d’Orient à Jérusalem selon ce que Zoroastre avait préditLes Mages, trois rois, fils des rois de la Perse, se présentent devant Hérode, fort inquiet pour son modeste royaume, de voir les rois de ce vaste empire venir ”se soumettre” en offrant or, encens, et myrrhe ».

Evangile arabe de l’Enfance

— Attends un peu, Balaam ou Zoroastre, la tonalité astronomique reste la même c’est toujours un astre dans le ciel qui annonce une nouvelle ère, la venue d’un nouveau roi des rois, mais à part cela je ne vois aucun rapport avec le récit de la bible, l’oracle ne fait mention : ni de Yahveh, le Dieu unique, ni du futur héritier du roi David, ni du peuple d’Israël.

— Oui, tu as raison. Dans la bible, Balaam le Moabite, félon contre son gré, avait été forcé de modifier son oracle astrologique en faveur d’Israël.

— Le dieu des dieux”, dont parle Zoroastre, je le connais ! C’est Zeus dans la mythologie grecque, Jupiter pour les Romains. La planète Jupiter domine les autres planètes par son éclat.

— Oui et pour les chaldéens aussi la planète Jupiter était dédiée à Marduk le dieu suprême de Babylone. Dans l’Empire des Séleucides, de la Mésopotamie à la Syrie, les cultures astronomiques et mythologiques chaldéennes et grecques s’étaient fondues dès les conquêtes d’Alexandre. Les manuscrits syriaques, arméniens et arabes, des évangiles de l’enfance  viennent de là. L’astronomie y était alors à son apogée avec les astronomes Kidinnu et Séleucos de Séleucie en liaison avec l’astronome grec Callisthène dont nous avons déjà parlé.

 

Livre arménien de l’Enfance

Dans le Livre arménien de l’Enfance les trois Rois Mages : Melkon, roi des Perses, Gaspar, roi de l’Inde, Balthasar, roi des Arabes représentent encore le vieil Empire Achéménide de l’époque plus ancienne de Cyrus, 6e siècle B.C. :

« …Les Mages ont suivi l’étoile… ils arrivent d’une terre lointaine, de la Perse leur patrie… voir le fils d’un roi qui va naître au pays de Judée et l’adorer.

—De qui tenez-vous ce que vous dites? demande  Hérode.

—”Nous en avons reçu de nos ancêtres le témoignage écrit qui a été gardé sous scellé”

—…Hérode dit : ”D’où tenez-vous ce témoignage connu de vous seuls ?”

—”…Une lettre écrite, transmise depuis Abraham, de génération en génération…notre peuple la reçut au temps de Cyrus, roi de Perse… la lettre parvint jusqu’à nous, et nous connûmes à l’avance le nouveau monarque, fils du roi d’Israël” ».

Livre arménien de l’Enfance

Ce ”témoignage écrit qui a été gardé sous scellé” semble une histoire bien naïve, et même du folklore, mais Origène*, 185-254, allait encore plus loin quand il dit « [Les Mages] possédaient chez eux le texte de tous ses oracles ». Dans la multitude de tablettes en écriture cunéiforme qui ont été sauvées les assyriologues ont déjà retrouvé l’épopée de Gilgamesh, l’histoire du Déluge, le retour de la Lune au périgée 4573 fois en 345 ans et les éphémérides pour l’an 7/6 B.C. et pourquoi n’y aurait-il pas eu les oracles mésopotamiens de Balaam dont il ne reste qu’un verset trituré pour les besoins de la cause, dans la bible.

L’idée d’une étoile qui annoncerait un roi des rois, un dieu des dieux, une ère nouvelle, était ancrée dans le milieu des astrologues chaldéens ; une idée qui remonte au berceau de civilisation, entre le Tigre et l’Euphrate, en Chaldée, à Ur patrie d’Abraham, à Uruk où fut créé la première Ecole d’astrologie.

Un monde qui s’élargit et de nouvelles valeurs qui émergent

 

 

Un monde qui s’élargit et de nouvelles valeurs qui émergent

 

Les messianismes

« Les règnes florissants des rois David et Salomon représentèrent durant soixante ans [dix siècles environ avant l’ère chrétienne] le plus haut degré de gloire et de prospérité temporelle que les Hébreux aient jamais atteint. Désormais tous leurs rêves de bonheur se tourneront vers un roi puissant et pacifique qui règnera d’une mer à l’autre et dont tous les rois seront tributaires. Cette pensée féconde, d’où sortira le Messie, éclos alors au fond de la conscience de ce peuple ».

Ernest Renan*, Etudes d’histoire religieuse

— Oui mais ces prophéties de la bible qu’annoncent-elles ?

— Cela dépend. Chaque prophète envisage l’avenir de son peuple à sa manière et selon l’époque, avant et après l’exil à Babylone, de manière encore plus forte en ce dernier siècle B.C. où l’agitation anarchique des peuples et des esprits était propice à la montée des espérances d’un Messie qui sauvera le peuple. Tantôt un Messie-Roi, tantôt un Messie-Prêtre, et même un Messie-Souffrant. Comme les prophéties étaient faites par des gens ”Sages” et ”Perspicaces”,  dans le nombre, certaines prévisions partielles pouvaient avoir un lien éventuel avec les événements en cours et les croyants pouvaient y reconnaître la venue du Dieu qu’ils attendaient.

— C’est compliqué il faudrait prendre un exemple, si possible un exemple moderne qui s’appuie sur les manuscrits de la mer morte découverts dans les grottes de Qumrân ?

— Justement, John Collins*, 2010, théologien de l’université Yale, vient de montrer comment deux manuscrits araméens de Qumrân – le Florilège (4Q174) et la pseudo Apocalypse araméenne ou Fils de Dieu (4Q246) – s’inspiraient de textes bibliques : le Psaume 2 et le Deuxième Livre de Samuel. Ces psaumes ou cantiques sont des hymnes poétiques qui pendant des siècles ont soutenu l’espérance du peuple juif pendant les vicissitudes et l’ont gardé dans la gloire promise aux Justes.

— Je vais lire le Psaume 2 :

« Pourquoi sont-ils dans le tumulte des nations,

 et les peuples grondent-ils en vain ?

Les rois de la terre s’insurgent,

les princes tiennent tête à Yahvé et à son Messie […]

Yahvé m’a dit : ”Tu es mon fils ! aujourd’hui je t’ai engendré.

demande -moi et je te donnerai les nations pour héritage ;

et en ta possession les extrémités de la terre” […]

Servez Yahvé avec crainte, et réjouissez-vous en tremblant !

Embrassez le fils de peur qu’il ne se fâche ! […]

Heureux tous ceux qui cherchent refuge en lui ! ».

Psaume 2

Je continue avec le deuxième Livre de Samuel 7, 1-16, Yahvé annonce au roi David qu’il va lui donner une dynastie royale :

« Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j’élèverai ta postérité après toi, celui qui sortira de tes entrailles, et j’affirmerai sa royauté. […] Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils. […] Ton trône sera affermi à jamais ».

Deuxième Livre de Samuel 7, 1-16

— John Collins* a montré que les textes de Qumrân, le Florilège (4Q174) et l’Apocalypse araméenne (4Q246), ont leurs sources d’inspiration dans ces Psaumes qui remontent au temps du roi David, d’autres au temps de l’exil à Babylone. Ces textes de Qumrân, comme le démontre John Collins, puisent dans ces psaumes les expressions ”Fils de Dieu” et ”Fils du Très-Haut” et font référence à un règne éternel. On les retrouvera plus tard dans l’évangile de Luc lors de l’Annonciation à Marie, mais, attention, Luc ne fait pas de référence aux prophéties, il met ces mots dans la bouche de l’ange Gabriel.

 

De la preuve par la Notoriété à la preuve Expérimentale

C’est vrai parce que les prophètes l’ont dit, parce que c’est écrit dans la bible, parce qu’Aristote l’a dit. C’est vrai parce que je l’ai vu à la télé, parce que l’institutrice l’a dit, parce que c’est écrit dans mes cours de fac. Parfois même on utilise les grands moyens pour essayer de convaincre : « C’est vrai parce qu’un Prix Nobel l’a dit ». On se surprend soi-même à utiliser cette ”preuve par la Notoriété” sinon il faudrait à chaque fois décliner des siècles de recherches universitaires.

Depuis Galilée, avec la mesure du mouvement accéléré d’une bille sur un plan incliné, et Pascal, avec l’expérience du baromètre au Puy de Dôme, les physiciens utilisent la ”preuve Expérimentale” qui supplée la ”preuve par la Notoriété”. Hélas, même aujourd’hui, cette méthode ne s’applique ni aux sciences historiques ni aux sciences sociales pourtant à la recherche de méthodes rigoureuses.

Quelques mots sur une Expérience de Pascal qui permit de résoudre une énigme incompréhensible : quand le puits est trop profond l’eau ne monte plus dans les pompes :

« La nature a horreur du vide »

répétait-on pendant des millénaires en guise d’explication. Pascal répondit :

« l’horreur est un sentiment, la nature ne peut avoir de sentiment ».

Au pied du puy de Dôme, il nota la hauteur de la colonne de mercure, 76 cm, il renouvela l’expérience au sommet : le niveau de mercure avait baissé par le seul fait du changement d’altitude, car le mercure est contrebalancé par la hauteur de la colonne d’air atmosphérique situé au-dessus de nos têtes. La couche atmosphérique fait monter le mercure à 76 cm et l’eau à 10 mètres. (Pascal*, Equilibre des liqueurs).

 

Cycles mythologiques, cycles astronomiques, cycles historiques

Aujourd’hui, depuis l’avènement des sciences, depuis la prise de conscience de l’évolution des espèces, depuis les idées de progrès, le déroulement de l’Histoire est linéaire. On parle du Sens de l’Histoire mais les civilisations anciennes imaginaient des cycles Historiques, qu’ils tentaient de calquer sur les grands cycles Astronomiques. Platon avait même calculé une ”Grande Année” (superlongue, plusieurs milliers d’années) au terme de laquelle toutes les planètes se retrouveraient dans le même signe du zodiaque, une réinitialisation du monde, une nouvelle ère historique.

Dans la mythologie grecque primitive Ouranos, le ciel étoilé, succède à Gaia. Son fils Cronos le chasse et devient à son tour le dieu suprême du monde. Cronos, la planète Saturne, la plus lente, est le dieu du Temps. Cronos veut  arrêter le progrès mais son fils Zeus-(Jupiter), victorieux du combat, enchaîne son père et devient le dieu des dieux. Une nouvelle ère commence. Dès l’époque de la guerre de Troie et pour les temps classiques Jupiter resta le dieu des dieux adoré des Hellènes.

Pour les astronomes qui mesuraient le Temps, Saturne et Jupiter, les deux planètes aux longues périodes étaient les deux ”cronodateurs”. Leurs conjonctions dans tel ou tel signe du zodiaque donnaient prétexte à des interprétations astrologiques, mieux encore les curieuses et rares triples conjonctions, étaient un signe du ciel annonçant un monde nouveau.

 

Apogée de l’Empire Romain

Depuis Pythagore, cinq siècles auparavant, le monde savant savait que la Terre était ronde. Avec les conquêtes grecques sur les rives nord de la méditerranée occidentale et les implantations phéniciennes de Carthage aux Colonnes d’Héraclès, le monde grec s’étendait au bassin méditerranéen ; Après les conquêtes d’Alexandre le Grand en Perse et jusqu’en Inde, il s’étendit au Moyen-Orient et à l’Asie. Toujours au 4e siècle B.C., l’expédition maritime de Pythéas le Massaliote découvre les îles Britanniques et nordiques jusqu’en Thulé (Islande), la Norvège et la mer Baltique jusqu’au pays des Estiens (Estonie). Avec les conquêtes de Jules César, l’empire Romain atteint son apogée sous le règne d’Auguste. Auguste impose une Paix Romaine sur tout les rivages méditerranéens et le monde habité. Cette époque coïncide avec la fin du royaume d’Hérode. L’Empire Romain impose son Pouvoir politique, militaire, administratif et financier. Une organisation laïque, avec du pain et des jeux, distincte du Pouvoir dogmatique du Temple et des Prêtres ; une sorte de super-Etat sans religion tant les dieux romains étaient restés infantiles et frivoles. Une nouvelle ère.

 

« Les premières origines du christianisme sont là »

— Ernest Renan*, porte-drapeau des rationalistes, exclu du Collège de France par Napoléon III pour avoir dit de Jésus qu’il fut « un homme incomparable» (« Dieu fait homme » pour les chrétiens), a montré que les valeurs essentielles du christianisme naquirent progressivement à partir d’Isaïe :

« …Isaïe mit l’accent, avec une force incroyable, sur l’essentiel de la religion : ce ne sont pas les sacrifices, ce n’est pas le sang des taureaux, des agneaux et des boucs qui plaisent à Dieu, ni les solennités et les fêtes ; c’est l’offrande d’un cœur pur, c’est l’amour de la justice, c’est la pitié pour la veuve et l’orphelin ».

«…Autant l’avenir profane d’Israël semblait détruit sans retour, autant ses destinées religieuses s’agrandissaient. Les derniers temps du royaume de Juda présentent l’un des mouvements religieux les plus étonnants de l’histoire. Les premières origines du christianisme sont là. »

« …Le culte se centralise de plus en plus à Jérusalem ; la prière commence. Le mot de dévotion qui ne correspond à rien dans l’ancienne religion patriarcale, commence à avoir un sens. Des Cantiques composés par des lettrés et empreints de quelque rhétorique réchauffent dans les âmes le message de Yahvé transmis par Moïse. Une profonde modification se manifeste en même temps dans la manière de sentir. Un esprit de douceur, un sentiment délicat de compassion pour le faible, l’amour du pauvre et de l’opprimé, avec des nuances inconnues de l’Antiquité, se font jour de toutes parts. La prophétie de Jérémie et le Deutéronome sont déjà sous ce rapport des livres chrétiens. L’amour, la charité naissent dans le monde. Endurci contre les déceptions, habitué à espérer contre l’espérance, Israël en appela de la lettre à l’esprit. L’idée d’un royaume spirituel de Dieu et d’une loi écrite non sur la pierre, mais dans les cœurs, lui apparut comme l’aurore d’un nouvel avenir ».

Ernest Renan*, Etudes d’histoire religieuse

Conclusion

Conclusion

 

 

L’arrivée insolite des Mages sème le trouble″

Quel fut donc, en Judée, l’événement ″étonnant″ de l’an 7 B.C. ? Etait-ce une discrète Nativité dans une étable ? Etait-ce le recensement du monde habité, décrété par l’empereur Auguste ? certes il contraignait chacun à se rendre en sa ville d’origine, mais c’était le lot commun à tout l’empire romain. Etait-ce une nouvelle étoile dans le ciel ? mais il n’y eut aucun astre nouveau dans le ciel. Aucune comète spectaculaire qui aurait pu attirer l’attention de ″tout Jérusalem″…seuls quelques savants astronomes affirmèrent avoir vu ″un astre à son lever″, et ″à la vue de l’astre ils se réjouissaient d’une grande joie″.

L’événement ″troublant″ fut l’arrivée à Jérusalem de Mages astronomes venus de loin pour annoncer de manière effrontée au peuple d’Israël qu’un nouveau roi leur était né :

« L’ayant appris, le roi Hérode fut ″troublé″ et Jérusalem tout entière avec lui, …et les princes des prêtres et les scribes du peuple… ».

Matthieu

Pour le peuple juif au sens religieux si profond, développé par de grands prophètes, ce fut la stupéfaction, et sans doute une offense, d’apprendre brutalement par des étrangers, des païens, la naissance de leur Messie Roi, Messie Prêtre ou Messie Souffrant. Le monde à l’envers. Incrédulité. Et d’ailleurs cet Astre, personne dans Jérusalem ne le vit, personne non plus ne chercha à le voir. Seul Hérode s’inquiéta du Temps de son apparition. Seuls les Mages se réjouirent de ce phénomène astronomique exceptionnel qu’ils étaient seuls à voir et surtout à comprendre.

Si les Mages n’étaient venus en Judée, personne n’aurait entendu parler de l’Etoile de Bethléem, ni Matthieu, ni Jacques l’apocryphe, ni Ignace d’Antioche, etc. Pourquoi le peuple de Jérusalem, mécontent d’Hérode, n’a-t-il pas réagi à l’annonce de cette naissance royale ? n’a-t-il cherché à voir cette mystérieuse étoile ? ni chercher à enquêter à Bethléem sur une naissance annoncée par les prophètes et tant espérée?

Plus tard les Pères de l’Eglise se divisèrent sur cette annonce de la naissance de Jésus faite par des ″astrologues″ païens :

  • une majorité d’entre eux y vit la preuve que le message évangélique s’adressait à tous les peuples
  • une minorité méfiante y vit une marque d’astrologie incompatible avec le libre arbitre des hommes et sapant les bases de la nouvelle religion.

 

Une Etoile… à l’Orient… qui guide les Mages…vers Bethléem ?

Des erreurs remontant à la traduction latine ont longtemps mené à l’impasse et ont écarté ″la conjonction de planètes″ prévue par les éphémérides chaldéennes, transmise par la tradition orale jusqu’au Moyen-Age, puis calculée par Képler.

Voici quatre éléments de base pour un bon départ :

  • Ce n’est pas une ″Etoile″, mais un ″Astre″. Matthieu emploie le nom αστερ, aster, astre, ce qui inclut les astres errants (planètes), les astres fixes (étoiles), les astres chevelus (comètes) et enfin les astres bolides (étoiles filantes). Depuis 1924, la bible de Jérusalem demeure la seule à traduire correctement à partir du texte grec : aster, astre.
  • Les dictionnaires grecs classiques sont précis : ανατολε, anatolé, c’est d’abord ″le lever d’un astre″, le Temps où l’astre se lève, c’est le sens ici dans la question d’Hérode aux Mages. Les Astronomes mesurent le Temps. Anatolé c’est aussi ″l’Orient″, une Direction pour les géographes.
  • Aucun astre dans le ciel ne peut indiquer un lieu sur la Terre. La Terre tourne sur elle-même et les astres défilent sans fin vers l’Ouest. Cette confusion est due à cette mauvaise traduction « des mages venus d’Orient guidés par une étoile qu’ils avaient vu à l’Orient ».
  • Les Mages n’ont pas été guidés par une étoile. Ils sont venus à Jérusalem parce qu’ils avaient en mémoire l’oracle de Balaam prédisant qu’un astre annoncerait la naissance d’un nouveau roi d’Israël. Arrivés à Jérusalem, Hérode, conseillé par les scribes « les a mis sur le chemin de Bethléem ».

 

Les hellénistes aux prises avec les termes techniques d’astronomie

Depuis le dictionnaire étymologique grec de Chantraine, les recherches des hellénistes Germaine Aujac*,1975 et 1979, sur les textes astronomiques de Geminos de Rhodes* et d’Autolycos de Pitane* et celles de Roberta Caldini-Montanari*, 1996, sur ceux d’Achilles*, permettent désormais de comprendre le phénomène astronomique ”de Bethléem” décrit dans le Livre de Jacques ou la Lettre d’Ignace d’Antioche, des descriptifs restés inexploités jusqu’à ce jour et même jetés aux oubliettes comme le manuscrit Bodmer V découvert en 1953 par Odile Bongard*. Ainsi :

  • αστερ, aster, désigne un astre isolé, αστροη astron désigne un collectif, un collectif d’étoiles comme les Pléiades ou un collectif de planètes qui se rejoignent lors d’une conjonction. On réserve le nom ζοδιοη zodion pour désigner un signe du zodiaque ou une constellation. Matthieu utilise aster pour désigner l’astre le plus éclatant (Jupiter). Le Livre de Jacques et la Lettre d’Ignace d’Ignace d’Antioche utilisent aster pour désigner Jupiter et astron pour désigner le collectif de planètes (Mars et Saturne) qui lui tiennent compagnie et forment cortège sur l’écliptique. Selon le manuscrit Bodmer V, les Mages ont vu ″des astres″ à leur lever, c’est un pluriel qui semble contradictoire avec l’Etoile de Matthieu qui mettait l’accent sur Jupiter la plus éclatante. Dans la Bible l’oracle de Balaam utilise astron, qu’il faut traduire par ″un phénomène astronomique″ même si les astronomes de l’époque connaissaient déjà les regroupements ou collectifs de planètes.
  • ανατολε, anatolé, C’est un lever journalier″ pour le Soleil qui est visible dès qu’il est au dessus de l’horizon et tous les jours de l’année. Mais attention ! c’est un lever annuel″ pour une étoile. C’est le jour de l’année où une étoile devient visible au-dessus de l’horizon, et de nuit évidemment, après plusieurs semaines, voir plusieurs mois, où elle ne l’était plus ; ainsi Antarès redevient visible au printemps-été, Sirius en automne-hiver. Les planètes se décalant dans le zodiaque, Saturne ″se lève″ (″redevient visible″) tous les 378 jours en moyenne et Jupiter tous les 399 jours. Qu’il s’agisse d’étoiles ou de planètes, ce lever se produit en fin de nuit à l’aube juste avant le lever du Soleil. Les éphémérides chaldéennes disent « l’astre devient visible ». Hérode demande ″le Temps de l’apparition de l’astre″.

 

Textes anciens précieux mis aux oubliettes″

Nous sommes armés pour relire ces textes anciens et découvrir qu’ils s’harmonisent à merveille avec le phénomène de Képler que chacun aujourd’hui peut visualiser sur stellarium. La base est celle-ci : l’éclatante planète Jupiter se retrouve accompagnée de deux autres planètes Mars et Saturne moins brillantes mais avec un éclat comparable à de belles étoiles ; c’est un regroupement le long de l’écliptique, dans la constellation des Poissons constituée d’étoiles pâlottes. Diversification d’éclat. Diversification d’astres : multitude d’étoiles fixes et nombre limité de planètes errantes.

C’est le cas typique où chaque mot pèse. Traduire indifféremment tous les aster et tous les astron par ”étoile” revient à éliminer les planètes du ciel. Confondre un objet individuel et un collectif d’objets revient à trahir la pensée du texte. Dénier à l’auteur l’emploie du pluriel, comme dans le manuscrit Bodmer V, c’est passer complètement à côté d’un scoop car

il n’y eut pas ″une″ Etoile de Bethléem

mais ″des″ Astres de Bethléem,

plus précisément

″des astres proches″,

donc des planètes,

dont ″l’un brille comme une torche″

cette planète est Jupiter,

″les autres astres″ lui servant de compagnie,

il s’agit de Mars et de Saturne

et ″formant un cortège avec le Soleil et la Lune″,

donc sur l’écliptique,

″visibles toute la nuit″,

ce qui exclut Vénus

mais confirme les 3 planètes supérieures,

″des astres faisant pâlir jusqu’aux étoiles elles-mêmes″

les planètes sont plus brillantes que les étoiles,

à fortiori celles des Poissons,

″des astres qui semblaient être intelligent et raisonnable″

les rétrogradations synchronisées

de Jupiter et de Saturne semblent concertées.

Conclusion :

Désormais il ne s’agit plus de ″l’Etoile de Bethléem″

mais des ″Planètes de Bethléem″.

Ce regroupement de planètes était prévu par les tablettes éphémérides chaldéennes et attendu anxieusement par les Mages. Le traité syriaque d’Eusèbe de Césarée parle au futur de cette conjonction astrale:

« les Mages étaient particulièrement intéressés de connaître quand l’astre se lèverait et deviendrait visible, méditant ce qui, d’aventure, pourrait arriver à son lever ».

 

Un texte essentiel récemment sorti des oubliettes

En 1977, 3 astrophysiciens, Clarke, Parkinson and Stephenson*, ont découvert une référence à l’Etoile de Bethléem dans les Annales de l’abbaye Worcester, 1285, éditées par Luard en 1869. Ce passage rappelle

« qu’une conjonction de Jupiter et de Saturne

eut lieu lors de ″l’Incarnation″ »

Les moines de cette abbaye ne sont pas des astronomes car ils nous présentent la conjonction qu’ils ont observé en 1285 comme étant la seule depuis l’Incarnation alors qu’il s’agit d’une conjonction simple telle qu’il s’en produit régulièrement tous les 20 ans.

Il ne s’agit pas ici d’un calcul rétroactif à la manière de Képler, mais le simple rappel d’une tradition populaire transmise oralement et qui s’est perpétué au fil des siècles. Ces Annales de Worcester font émerger le souvenir d’un événement rare, exceptionnel : une conjonction Jupiter Saturne lors de ″l’Incarnation″.

 

Les tablettes éphémérides de 7/6 B.C. une merveille incomprise

Ces précieuses éphémérides furent découvertes en 1924. On disposa assez vite de copies des 3 tablettes du British Museum et des photos de celle du Vorderasiatishes Museum. Schnabel*, 1925, et Schaumberger*, 1926, en firent de premières transcriptions mais ces auteurs imaginaient à priori l’étoile de Bethléem comme un miracle et personne de leur entourage n’y porta plus d’intérêt. La synthèse des 4 exemplaires de ces éphémérides fut reprise par Sachs* en 1948 et publié (après sa mort) avec Walker* en 1984. Les auteurs, et les quelques très rares commentateurs, abandonnèrent faute d’y avoir trouvé trace des ″trois dates de cette Triple Conjonction de Jupiter et de Saturne″, ni même du mot ″conjonction″. Deuxième retour aux oubliettes qui s’explique par une spécialisation à outrance des scientifiques : on ne peut demander aux assyriologues d’être des mathématiciens comme leurs pionniers du 19e siècle et on ne pourrait exiger d’un astrophysicien qu’il connaisse une ″astronomie de position vieillotte″ qui n’est plus enseignée et désormais inutile à l’ère des calculateurs.

Nous venons de démontrer, pour la première fois probablement, que ces éphémérides avaient prévu la Triple Conjonction de Jupiter et de Saturne car les dates fondamentales des 5 positions clés de Jupiter et de Saturne sur leur orbite y sont établies : leurs 2 stations, Φ et Ψ (points de tangence), leur opposition au Soleil, Θ, et leurs dates de levers et couchers, Γ premier lever et Ω dernier coucher. Les éphémérides prévoyaient aussi que Mars allait rejoindre Saturne à la fin février et Jupiter au début du mois de mars 6 B.C. : la Grande Conjonction.

 

Joseph et Marie se sont fait recenser. Etait-ce à Bethléem ?

Le recensement décrété par Auguste en 8 B.C. dont parle Luc est une réalité historique bien établie depuis la découverte des Res Gestae sur le temple d’Ancyre. Flavius Josèphe révèle qu’il se déroula en Judée au cours de l’an 7 B.C. et qu’il fut alors marqué par la vive protestation de 6000 pharisiens refusant de prêter serment d’allégeance à Auguste et à Hérode. Un recensement sous contrôle des légions de Quirinius alors que Saturninus était gouverneur et légat propréteur en Syrie. Tout cela est acquis, Luc et Flavius Josèphe sont d’accord sur ce grand recensement d’Auguste en Judée comme sur le recensement local de l’an 6 A.D. C’est sans doute devant les Res Gestae d’Auguste à Antioche de Pisidie que Luc eut connaissance de la date de ce grand recensement, alors qu’il accompagnait l’apôtre Paul.

Joseph et Marie devaient se faire recenser, c’est une certitude, et « sous peine d’amende » précise Flavius Josèphe (A. J. XVII-II-42). Où ? A Bethléem répond Luc. Cela n’a rien d’impossible, c’est même probable mais ce n’est pas une certitude.

« Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville. Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, jusqu’en Judée, à la ville de David, qui s’appelle Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David afin de se faire recenser avec Marie, son épouse, qui était enceinte ».

Luc

Le séjour de Joseph et de Marie à Bethléem n’a pas du excéder quelques jours : juste le temps du recensement, avant de rejoindre Jérusalem pour la présentation au Temple, marquée par le cantique du vieillard Syméon :

« Maintenant tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix car mes yeux ont vu ton salut…lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël».

Luc

Avec ce récit de Luc on dispose de tout un chaînon cohérent, mais est-il cohérent avec le récit de Matthieu ?

 

Les Mages sont venus à Bethléem

L’étoile de Bethléem n’était pas une  étoile mystérieuse mais bien une conjonction de planètes c’est une certitude après la lecture de ces 8 descriptions concordantes et complémentaires. Les éphémérides chaldéennes apportent la preuve que les astronomes chaldéens avaient prévu au jour près le déroulement de cette conjonction extrêmement rare qui à leurs yeux ouvrait une ère nouvelle. Ces mages, qui étaient également astrologues, connaissaient l’oracle de Balaam, l’un des leurs, et sont venus « en Judée s’enquérir du roi des Juifs qui vient de naître ». Hérode les a reçu, les a questionné sur « le Temps de l’apparition de l’astre », a consulté « tous les princes des prêtres et les scribes du peuple » puis a mis les Mages sur le chemin de Bethléem.

Sur la route, face à eux, au Sud culminait au méridien Jupiter accompagné de Saturne et de Mars, et

« les Mages se réjouirent vivement d’une grande joie ».

Tout ce chaînon qui débute l’évangile de Matthieu est une certitude, rien de tout cela n’a pu être inventé.

 

Discordance des deux récits de la Nativité

Mais Joseph et Marie étaient-ils déjà à Bethléem ? étaient-ils encore à Bethléem lors du bref passage des Mages ? Joseph et Marie avaient-ils des raisons de s’attarder dans l’étable après la naissance et après le recensement ?

Les deux récits de la Nativité sont indépendants. Luc n’a pas connaissance du texte de Matthieu, il ignore l’Etoile et les Mages. Matthieu ne connait pas le récit de Luc, il n’évoque pas le recensement d’Auguste. Ici les deux récits deviennent incompatibles :

Luc rapporte que Joseph et Marie accomplirent  la présentation de Jésus au Temple de Jérusalem, dans les quarante jours selon la Loi , puis :

« …  quand ils eurent accompli tout ce qui était conforme à la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville ».

Luc

Matthieu, lui, rapporte la fuite en Egypte :

« Un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : ″Lève-toi prend avec toi l’enfant et sa mère et fuis en Egypte … car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr ″ »

Matthieu

 

”L’Etoile de  Bethléem” et le recensement d’Auguste :

une bonne concordance

Il y a un recouvrement confortable de plusieurs mois entre ces deux faits historiques rigoureusement prouvés : la conjonction des planètes qui se prolongea durant 10 mois, et le recensement d’Auguste qui se déroula en 7 B.C. en Judée, mais ceci n’entraîne pas automatiquement une concordance entre  l’arrivée des Mages et la présence de Joseph, Marie et l’Enfant dans l’étable de Bethléem, il s’agit seulement d’une possibilité.

 

Les Mages ont-ils trouvé le nouveau roi des juifs qu’ils recherchaient ?

Il y a peu de chances que le bref passage des Mages à Bethléem ait coïncidé avec la présence de Joseph, Marie et l’Enfant dans l’étable :

  • si les Mages choisirent d’arriver en Judée au moment clé de la Triple Conjonction, lors de la 2conjonction et du ″lever acronuctal″ simultané de Jupiter et de Saturne, en septembre de 7 B.C., alors le recensement s’achevait et les Mages auraient pu croiser Joseph et Marie à Bethléem.
  • si les Mages décidèrent d’arriver au moment clé de la Grande Conjonction, quand Mars rejoint Jupiter et de Saturne, fin-février et début-mars 6 B.C., alors il n’y a aucune chance qu’ils se soient rencontrés ; on est alors plus de 6 mois après le recensement.

 

Et les Mages que devinrent-ils?

« Après quoi, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays »,

Matthieu

c’est tout ce que l’on sait.

Sur les grandioses mosaïques du baptistère de Florence, un artiste anonyme représente les 3 Rois Mages repartant en bateau ! sans doute de Césarée la Maritime ? Pure fantaisie ! ou tradition lointaine ! Très souvent, pour les représentations de la Nativité, les artistes du Moyen Age et de la Renaissance se sont inspirés des textes apocryphes qui circulaient alors et dont certains ont disparu à jamais.

 

L’Adoration des Mages a-t-elle eu lieu ?

Non, il ne semble pas. Quelle déception pour les amateurs d’art, pour nos aïeux qui y ont cru. Quant aux croyants cela ne change rien pour eux puisque ce n’est pas un acte de Foi.

Que Luc n’ait eu aucun écho de l’Etoile de Bethléem, 60 ans plus tard, c’est normal. Mais qu’il ne mentionne pas l’Adoration des Mages est étonnant pour celui qui avait recueilli le récit de la Nativité de l’entourage direct de Marie. Marie aurait-elle pu oublier l’arrivée des mages, l’or, l’encens et la myrrhe ? Luc aurait su inclure avec art et délicatesse, cette magnifique scène de l’Adoration des Mages, jamais il n’aurait occulté cette magnifique image des puissants et des savants venant s’incliner devant un enfant-roi dans une étable.



 

Références

 

Références

A Achilles, 3e siècle B.C., Qu’est-ce vraiment aster ? Qu’est-ce au contraire astron ? préface aux Phénomènes astronomiques du poète Aratos. Voir Roberta Caldini-Montanari, 1996.

Amann Emile et Bousquet J., 1910, Les apocryphes du Nouveau Testament, Documents pour servir à l’étude des Origines Chrétiennes, édition Letouzey et Ané, Paris. Emile Amann était docteur en théologie.

André-Salvini Béatrice, 2008, Création des Astres, du Ciel et de la Terre, in Babylone merveilleuse et maudite, Religions et Histoire n°19. Béatrice André-Salvini est Directeur des Antiquités orientales au Musée du Louvre.

Aujac Germaine, professeur émérite de grec ancien à l’Université de Toulouse, spécialiste des textes d’astronomie et de géographie de Strabon et de Ptolémée a traduit pour la première fois en français les textes d’Autolycos de Pitane et Géminos de Rhodes ici indispensables pour le lever des astres et l’astronomie chaldéenne. Quand Germaine Aujac soutint sa thèse sur les Phénomènes astronomiques, Jacqueline de Romilly qui présidait le jury lui demanda « Qui est ce Géminos de Rhodes dont je n’ai jamais entendu parler ?» c’est dire à quel point ces ouvrages sur l’astronomie chaldéenne et grecque étaient restés inconnus.

Autolycos de Pitane, fl. 330 B.C., La sphère en mouvement, Levers et couchers héliaques, traduction et commentaires Germaine Aujac éd. Les Belles Lettres, 1979.

Balbuza Katarzyna, 2011, Sulpicius Quirinius et Ornamenta Triumphalia, Studia Lesco Mrozewicz ab amicis et discipulis dedicata. Ed. K. Balbuza, K. Krolczyk, Poznan.

Benoit Fernand, 1954, Sarcophages paléochrétiens d’Arles et de Marseille, Centre National de la Recherche Scientifique, 1954, supplément à Gallia V ; Annales du Midi, 1955, volume 67, n°29. Fernand Benoit, Membre de l’Institut, Directeur des Antiquités de Provence.

Bigourdan Guillaume, 1911, L’astronomie, 1911, édition Ernest Flammarion, Paris. Guillaume Bigourdan, 1851-1932, astronome à l’Observatoire de Paris, directeur du Bureau International de l’Heure fut un astronome observateur assidu qui reçut la médaille d’or de la Royal Astronomical Society pour les positions de 6380 nébuleuses. Il travailla sur l’astronomie chaldéenne et grecque.

Bongard Odile. En 1953, Odile Bongard, l‘assistante du collectionneur suisse Martin Bodmer, ramène d’Egypte 1800 feuilles de papyrus. A lire dans Papyrus et parchemins surgis des sables par Sophie Laurant, 2015, in Pèlerin hors-série, « La grande histoire de la Bible ».

Bottéro Jean et Stève Marie-Joseph, 1993, Il était une fois la Mésopotamie, Découvertes Gallimard. Jean Bottéro, bibliste et assyriologue est spécialiste des sciences philologiques et historiques à l’Ecole des Hautes Etudes. Avec le père Marie-Joseph Stève, O.P., de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, ils ont effectué des fouilles en Iran (Suse) et Iraq ‘tell el Deir.

Bottéro Jean, 1996, L’astrologie mésopotamienne, in Les Astres, Colloque international de Montpellier, mars 1995, Publications de la Recherche, Université Paul Valéry. Jean Bottéro est assyriologue à l’Ecole des Hautes Etudes.

Burke-Gaffney W., S. J., 1937, Kepler and the star of Bethlehem, Journal of the Royal Astronomical Society of Canada, 1937, Vol. 31, pp. 417-425. Provided by the NASA Astrophysics Data System.

Caldini-Montanari Roberta, 1996, Etoile, constellation et corps céleste dans les mentalités grecque et romaine, in Les Astres, Colloque international de Montpellier, mars 1995, Publications de la Recherche, Université Paul Valéry. Roberta Caldini-Montanari est helléniste à l’Université de Florence.

Calmet Augustin, 1726, Dissertation sur les Mages qui vinrent adorer Jésus-Christ (tome 7) et Sur saint Matthieu chap. II (tome 7), in Commentaires sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament en 26 volumes extraits des Pères de l’Eglise par Dom Calmet, 1672-1757, bénédictin, prieur de l’abbaye de Senones dans les Vosges.

Carrez Maurice, 1988, Césarée un pont entre Jérusalem et Antioche in Le monde de la Bible, n°56. Maurice Carrez, Faculté de Théologie Protestante et Institut Catholique de Paris.

Casaubon Isaac, 1559-1614, cité par David Derodon, 1665, in La Lumière de la Raison opposée aux Ténèbres de l’Impiété, Contre les Athées, Genève, 1665.

Cicéron, 55 B.C., in la République, 6e livre, Le Songe de Scipion, entretien supposé de Scipion l’Africain en 128 B.C. Librairie Hachette, Paris, 1853. Deux traductions françaises, l’une littérale, juxtalinéaire, présentant le mot à mot français en regard des mots latins et l’autre correcte et précédée du texte latin, par une Société de professeurs et de latinistes.

Clarke D.H., Parkinson, J.H., and Stephenson, F. R., 1977, Quaterly Journal of the Royal Astronomical Society, vol.18, p. 443-449.

Cohen, 1832, Talmud, Traité du Sanhédrin, fol.5, A. Citation de M. Cohen, auteur israélite, La Bible t.II, préface, p.XVII, édition de 1832.

Collins John J. et Adela Y., 2010, The Scepter and the Star, pp. 171-190. and Collins J. J. et A. Y., King and Messiah as Son of God, ed. Grand rapids, Eerdmans.

Comet Georges, 2003, L’iconographie de la Nativité à l’époque médiévale, in La Nativité et le temps de Noël, Publications de l’Université de Provence.

Courtès Georges,  astrophysicien, membre de l’Académie des Sciences. Je remercie Georges Courtès, mon directeur de thèse d’Etat  qui m’a aussi encouragé dans mes recherches sur l’astronomie grecque et chaldéenne. Courtès, astronome-observateur et opticien, m’a appris à observer un dicret filament dans une nébuleuse d’hydrogène, une légère distorsion dans une frange d’interférence ou une dissymétrie dans une raie spectrale, comme l’entrée de la lumière dans une église romane, la bande passante sélective de certains vitraux du 12e siècle, l’élégance d’une architecture gothique, ou un détail de L’astronome de Vermeer; son indépendance d’esprit et l’originalité de son jugement restent pour moi un exemple.

Dorival Gilles, 2003, L’Etoile des Mages, in La Nativité et le temps de Noël, Publications de l’Université de Provence.

Duchet-Suchaux Gaston et Pastoureau Michel, 1990, La bible et les saints, Flammarion, Paris.

Edson E. and Savage-Smith E., 2004, Medieval views of the cosmos, Picturing the Universe in the Christian and Islamic Middles Ages, ed. the Bodleian Library, Oxford.

Epping Joseph, S.J., 1889, L’astronomie chaldéenne à Babylone. Joseph Epping, assyriologue et professeur d’astronomie à Maria Laach près de Coblence déchiffra les idéogrammes des diverses planètes et fut le pionnier de l’astronomie chaldéenne.

Eratosthène de Cyrène, 280-198 B.C., les Catastérismes (caractériser un groupement d’astres) traduction et commentaires Jean-Pierre Brunet et al., Le ciel, 1998, Nil éditions.

Eschyle, 525-456 B.C., Prométhée enchaîné, 454-458 cité par Eratosthène* de Cyrène.

Flavius Josèphe, 37-98 A. D., Antiquités Judaïques livres XVI et XVII, traduction Julien Weill 1900, édition E Leroux.

Fransen Irénée, 1988, La bibliothèque divine” de Césarée, in Le monde de la Bible, n°56. Irénée Fransen, abbaye de Maredsous.

Georgelin Yvon, astronome et sa femme Yvonne, chargée de recherches au Cnrs, sont auteurs de nombreux articles dans des publications internationales, à referre, notamment The Spiral Structure of our Galaxy determined from HII regions and exciting stars, Astronomy and Astrophysics, 1976, t.49, p.57, très citée dans les traités d’astrophysique, qui leur ont valu prix de l’Académie des Sciences et médaille de bronze du CNRS. Yvon Georgelin est également l’auteur  de nombreuses publications d’histoire de l’astronomie, il a donné de nombreuses conférences de vulgarisation scientifique, et a effectué maintes interventions dans les Ecoles, Collèges et Lycées dans le cadre du Prix Pythéas de la ville de Marseille. L’auteur remercie Georges Courtès*, Michel Marcelin* et le père Ottonello*.

Georgelin Marie-Hélène, 2014, helléniste, communication privée.

Géminos de Rhodes, fl. 70-55 B.C., Introduction aux phénomènes, traduction et commentaires Germaine Aujac, édition Les Belles Lettres, 1975.

Gianotto Claudio, 2003, L’origine de la fête de Noël au IVe siècle, in La Nativité et le temps de Noël, Publications de l’Université de Provence.

Guyon Jean, 2003, La naissance de Jésus dans le premier art chrétien, in La Nativité et le temps de Noël, Publications de l’Université de Provence.

Hanotaux Gabriel, 1885, Ninive et Babylone in Villes retrouvées, Biliothèque des Merveilles, éd. Hachette.

Hardin Justin K., 2008, Galatians and the Imperial Cult, Tübingen.

Ignace d’Antioche, 35-110, Lettre aux chrétiens d’Ephèse,19-2. Ignace d’Antioche fut nommé troisième évêque d’Antioche vers 68, il n’avait point vu Jésus mais seulement les Apôtres, il fut le disciple de Saint Pierre et de Saint Jean. Il fut martyrisé à Rome vers 105, sous Trajan.

Kepler Joannès, 1606, De Jesu Christi servatoris nostri vero anno natalitio, consideratio novissimae sententiae Laurentii Suslygae… In officina Typographica Wolfgangi Richteri, Francofurti. Edition et droits réservés Bibliothèque électronique suisse E-Lib.ch.

Kepler Joannès, 1614, De Vero Anno quo aeternus Dei Filius Humanam in Utero Benedistae Virginis Mariae Assumsit…, Frankfort.

Kramer Samuel Noah , 1957, L’Histoire commence à Sumer, Arthaud.

Kugler Franz Xavier, S. J., 1900, Die babylonische Mondrechnung, et 1907, Sternekundeund und Sterndienst in Babel. Franz Kugler*, S.J., professeur d’astronomie à l‘Ignatius College en Hollande fut le grand découvreur de l’astronomie chaldéenne, ses  travaux furent très vite connus et cités, dès 1911, en France.

Lachièze-Rey Marc et Luminet Jean-Pierre, 1998, Figures du ciel, Bibliothèque nationale de France, Seuil.

Lagrange père Marie-Joseph O. P., 1921 Evangile selon saint Luc, 1923 Evangile selon saint Matthieu, éd. Gabalda, librairie Victor Lecoffre. Le père Lagrange, 1855-1938, fondateur de l’Ecole biblique de Jérusalem et de la Revue biblique s’établit à Jérusalem en 1890 il parcourt alors la Palestine. Son travail érudit d’orientaliste, hébraïsant et helléniste, lui acquiert le soutien direct de Léon XIII, un grand pape libéral qui souhaite une interprétation novatrice et moderne des Ecritures. Catastrophe, en 1903 un pape intégriste, Pie X, est nommé ; le père Lagrange est interdit de conférence et de publications, il est  réduit au silence, ses écrits sont interdits dans les séminaires. En 1918, sous le pontificat de Benoît XV, le père Lagrange peut retourner à Jérusalem et reprendre son œuvre de rénovateur de l’exégése catholique et d’archéologue des textes sacrés. Il meurt en 1938 au couvent des dominicains de Saint-Maximin dans le Var.

Le Goff Jacques, 2000, Un Moyen Âge en images, éditions Hazan, Paris.

Lemaire André, 2008, Les pays du Levant, littérature araméenne in Le monde des Religions n°32. André Lemaire est Directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, chaire de philologie et d’épigraphie hébraïques et araméennes.

Luard H.R., 1869, Annales Monastici IV, London 1869.

Marcelin Michel, 2015 et 2016, astrophysicien, Directeur de recherches au CNRS, Sur la conjonction de planètes et les tablettes chaldéennes de 7/6 B.C. lors de l’émission Le jour du Seigneur à Noël 2014 sur France 2, et à l’occasion de l’Epiphanie et des Rois Mages, le 6 janvier 2016, DestiMed, www.cg13.fr. Je remercie Michel pour nos fructueuses discussions, entre autres sur les trigones de Képler, un mécanisme assez original pour localiser les conjonctions successives de Jupiter et de Saturne dans le zodiaque.

Mémain Théophile, 1867, Etudes chronologique pour l’Histoire de Jésus-Christ, édition Palmé à Paris et Pénard à Sens. Père Théophile Mémain de la Congrégation de Pontigny au Mont-Saint-Michel.

Michel Charles, 1924, Evangiles apocryphes I, édition Auguste Picard, Paris. Charles Michel, correspondant de l’Institut, professeur à l’Université de Liège a traduit la version grecques du Livre de Jacques et la version latine du pseudo-Matthieu issue du texte hébreu de saint Jérôme.

Mimouni Simon C., 2003, La conception et la naissance de Jésus d’après le Protévangile de Jacques in La Nativité et le temps de Noël, Publications de l’Université de Provence.

Mommsen Théodor, 1865, Res gestae divi Augusti ex monumentis Ancyrano et Apolloniensi, edidit Berolini.

Münter Friedrich, 1821, « The Star of Bethlehem might have been a conjonction of the two planets Jupiter and Saturn…astronomers draw up an exact reckoning of the conjunctions occuring about time of the birth of Christ » (Ideler, Handbuch,II p.406) et Münter Friedrich, 1827, Der stern der Weissen : Untersuchungen Uber das Geburtsjahr Christi, l’Etoile des Mages cité par Fortia d’Urban, 1840. Friedrich Münter, évêque luthérien de Seeland au Danemark

Neugebauer Otto, 1975, Babylonian Astronomy pp. 347-555 et graphiques pp. 1315-1349 in A History of Ancient Mathematical Astronomy. Otto Neugebauer est le dernier assyriologue expert en Astronomie Chaldéenne, une science déjà fort avancée à laquelle Hipparque le plus grand astronome de l’Antiquité grecque emprunta beaucoup.

Nolle Richard, 26.04.1998, The Jupiter-Saturn conjunction, 600 B.C. to 2400, in rnolle@astropro. Ce travail de Richard Nolle, clair et exhaustif, est indispensable sur ce sujet.

Norelli Enrico, 2003, La formation de l’imaginaire de la naissance de Jésus aux deux premiers siècles, in La Nativité et le temps de Noël, Publications de l’Université de Provence.

Origène, 185-254, Contre Celse, 1,60, et Homélie sur les Nombres, XIII, 7, in Jean Danielou*, 1951, Les symboles chrétiens primitifs. éd Seuil.

Ottonello (père), curé de la cathédrale Notre-Dame de la Major à Marseille. Je remercie le père Ottonello, qui a manifesté de l’intérêt pour l’astronomie grecque, avec Pythéas le Massaliote voguant vers Thulé où le Soleil ne se couche l’été, et, pour les astronomes chaldéens qui ont prévu la triple conjonction de 7/6 B.C. Le père Ottonello m’a fait découvrir l’interprétation prudente de Benoît XVI dans l’ Enfance de Jésus :

«  Matthieu et Luc, chacun à sa manière propre, voulaient non pas raconter ″des histoires″, qu’écrire une histoire, une histoire réelle, qui a eu lieu, certainement une histoire interprétée et comprise selon la parole de Dieu » Benoît XVI.

Peeters Paul, 1914, L’Evangile de l’Enfance, rédactions syriaques, arabe et arméniennes in Evangiles apocryphes II, 1924 édition Auguste Picard, Paris. Le père Paul Peeters, bollandiste, a utilisé le texte arabe édité par H. Sike un orientaliste allemand et un texte inédit, codex orientalis de la bibliothèque Laurentienne à Florence. Peeters utilise aussi l’Histoire Lausiaque en grec du début du 5e siècle et les manuscrits syriaques du British Museum déchiffrés par W. Wright, 1870.

Pinches T.G., 1935, Late Babylonian Astronomical and related Texts LBAT 1194 par Schaumberger Analecta Orientalia 12, (Rome, 1935) et Pinches T.G. and Strassmaiër J.N., 1955, LBAT 1193-5, par Sachs A.J. et Schaumberger J. Providence, 1955.

Pralon Didier, 2003, Les centons homériques sur la Nativité, attribués à l’impératrice Eudocie-Athénaïs 400-460, in La Nativité et le temps de Noël, Publications de l’Université de Provence. Didier Pralon, E.N.S., professeur de Grec Ancien toujours disponible pour les traductions de textes scientifiques a organisé des colloques sur l’astronome grec Pythéas le Massaliote.

Quéré France, 1983, Evangiles apocryphes, éd. du Seuil.

Ramsay, Sir William Mitchell, 1898, Was Christ Born at Bethlehem ? A Study on the Credibility of St Luke, ed.Hodder and Stoughton London.1898, Christian Classics Ethereal Library 2005, et 2000 bible study centre, digital library www.biblecentre.net-..Sir William Mitchell Ramsay, 1851-1939, est un archéologiste écossais qui étudia le Nouveau Testament à Tubingen et effectua de nombreuses fouilles en Anatolie ; membre de la British Academy il reçut en 1893 la Médaille d’Or du pape Léon XIII et en 1906 la Médaille Victoria de la Royal Geograpical Society. Ne pas confondre avec son homonyme le chimiste William Ramsay qui découvrit l’hélium et les gaz rares : argon, néon, krypton, xénon.

Ramsay, Sir William Mitchell, 1916, Colonia Caesarea(Pisidian Antioch) in the Augustan Age in The Journal of Roman Studies 6, 83-134. Ramsay,1917et 1924, Studies in the Roman Province Galatia, in J.R.S. 7, 229-283 et 14, 172-205.

Réau Louis, 1955-1959, Iconographie de l’art chrétien, 6 vol., Paris.

Renan Ernest, 1863 Vie de Jésus, 1869 saint Paul, 1877 Les évangiles. Ernest Renan, professeur des langues hébraïques et sémitiques au Collège de France écrivit la Vie de Jésus au cours d’une mission archéologique en Phénicie et en Palestine. Renan, rationaliste, de solide culture chrétienne, y présente Jésus comme « un homme admirable », charismatique et hyper intelligent, ami des pauvres et des humbles, dont la vie et la mort furent exemplaires. Le livre fit scandale dans la chrétienté. Renan fut déchu de son poste de professeur au Collège de France par Napoléon III et l’impératrice Eugénie, la 3e République le rétablit dans ses droits. Le travail de Renan, Histoire des Origines du Christianisme (7 vol.), Histoire du Peuple d’Israël (5 vol.), Etudes d’histoire religieuse, est monumental. Renan accompagne son étude critique et épistémologique par l’utilisation intensive des textes anciens sur les modes de vie et de pensée des cultures assyriennes, juives, grecques, romaines, chrétiennes : la sagesse philosophique, le sens de la beauté, l‘art d’une vie sereine s’entremèlent en permanence et se heurtent partout aux superstitions, à l‘ignorance, à la débauche et aux pires violences.

Ricoux Odile, 1996, L’Etoile des Mages à son lever, in Les Astres, Colloque de Montpellier, Université Paul Valéry. Odile Ricoux, helléniste à l’Université de Valenciennes, fait référence au traité Eusebius of Caesarea on the Star de William Wright*,1866.

Sachs A.J. et Walker C.B.F., 1984, Kepler’s View of the Star of Bethlehem and the Babylonian Almanac for 7/6 B.C., Iraq. vol.46, n°1 (Spring 1984) pp.43-55, British Institute for the Study of Iraq, JSTOR archive, http://www.jstor.org/.

Sanclemente H., 1793, De Vulgaris aerae emendatione libri IV, Roma.

Schaff Philip,1819-1893, Chronology of the Life of the Christ in History of the Christian Church, apostolic Christianity A D. 1-100.

Schaumberger J. et Kugler Fr.X, 1933, Trois tables babyloniennes des planètes de l’époque des Séleucides. Le père Johan Schaumberger, de l’ordre des Rédemptoristes, assyriologue et astronome à Gars-am-Inn en Allemagne, acheva le travail de Kugler.

Schnabel Paul, 1925, Late Babylonian Astronomical and related Texts LBAT 1196 et Schaumberger Johan, Biblica 6 et 7, 1925-6.

Smith George, 1840-1876 , assyriologue britannique, publia les Annales de Assurbanipal en 1871. En 1872 il découvre et traduit l’Epopée de Gilgamesh le plus ancien ouvrage de littérature connu qui contient une histoire du Déluge remontant à la fin du IIe millénaire B.C. Lors d’une deuxième expédition à Ninive, également couronnée de succès, George Smith publie Assyrian Discoveries en 1875 et assemble les tablettes de la Création, The Chaldean Account of Genesis en 1880 avec Archibald Sayce.

Strassmaier Johann, S.J., et Epping Joseph, S.J. 1881, Déchiffrement des Tables astronomiques Chaldéennes. Johann Strassmaier, orientaliste et assyriologue au British Museum déchiffra les premiers textes de l’astronomie chaldéennes et en fit d’excellentes copies et traductions toujours en usage.

Stauffer Ethelbert,1960, Jesus and His Story, éd . Knopf, New-York.

Suslyga Laurentius, 1605, Theoremata de anno ortus ac mortis Domini, deque universa Jesu Christi in carne oeconomia, thèse de baccalauréat de théologie présidée par Joanne Deckerio de la Société de Jésus.

Tertullien, IIe siècle, Contre Marcion, livre 4, chap. 19.

Thompson Reginald Campbell, 1900, Magicians and Astrologers of Nineveh and Babylon in the British Museum vol.II, Luzac and Co.

Tischendorf Constantin découvrit le Codex Sinaïticus, texte grec original du Nouveau Testament au monastère sainte Catherine au pied du mont Sinaï. Tischendorf publia la 1ére édition du Codex Sinaïticus en 1841, puis une 7e édition  en 3 volumes des diverses variantes du Codex Sinaïticus en 1869 documents https://fr.wikipedia.org, Wikimedia Foundation. Constantin von Tischendorf, 1815-1874, né à Leipzig était un protestant, docteur en philosophie. Emile Amann*, 1910, a donné une traduction française des évangiles apocryphes en grec découverts par Tischendorf.

Vaillant (le Père), 1717, Mémoires de Littérature  de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Letttres, tome 2 nd, pp. 532-544. Imprimerie Royale Paris. Sur la médaille de Varus.

Wallon Henri, 1866, De la croyance due à l’Evangile, Examen critique de l’authenticité des textes et de la vérité des récits évangéliques. Henri Wallon, professeur d’Histoire à la Sorbonne et auteur chrétien, fut aussi ministre de l’Instruction et des cultes et fera adopter la loi sur la liberté de l’enseignement supérieur (1875). H. Wallon connaissait les calculs de Képler et ceux d’Ideler sur les conjonctions Jupiter-Saturne mais pour lui l’Etoile était imaginaire. Son livre est consacré au recensement d’Auguste comme celui de Mémain, autre historien catholique.

Wright William, 1866, Eusebius of Caesarea on the Star in The Journal of Sacred Literature. Voir Odile Ricoux*.