British Museum : éphémérides chaldéennes pour 7/6 B.C.

 

 

British Museum : éphémérides chaldéennes pour 7/6 B.C.


— Je me dirige vers le British Museum, le temple où sont conservés les tablettes de la bibliothèque d’Assurbanipal déchiffrées par Strassmaier, Epping et Kugler qui nous ont dévoilé cette brillante astronomie  chaldéenne.

— Ce sont les éphémérides astronomiques pour l’an 305 de l’ère des Séleucides qui nous intéressent, elles prévoient les positions du Soleil, de la Lune et des 5 planètes pour l’année à venir, 7/6. B.C. Ces tablettes proviennent de l’Ecole d’Astronomie de Borsippa, située à 20 km au sud de Babylone : trois exemplaires, LBAT 1193-5, de ces éphémérides sont jalousement gardées ici au British Museum et ont été déchiffrées par l’assyriologue  britannique Theophilus Pinches*, un quatrième exemplaire, LBAT 1196, conservé au Vorderasiatishes Museum de Berlin a été traduit par Schnabel* et Schaumberger en 1925. Le contenu intégral de ces éphémérides extraordinaires a été publié en 1984, sous le titre Kepler’s View of the Star of Bethlehem and the Babylonian Almanac for 7/6 B.C., par A.J. Sachs et C.B.F. Walker*, avec le British Institute for the Study of Iraq, archives JSTOR. Ces éphémérides astronomiques renouvellent le sujet de l’Etoile des Rois Mages, elles confirment que les astronomes chaldéens étaient en mesure de  prévoir les triples conjonctions de Jupiter et de Saturne on s’en doutait depuis Guilllaume Bigourdan*, 1911, mais aujourd’hui on en a réellement la preuve.

— Comment cela ?

— Ces éphémérides prévoient 142 positions des 7 planètes dans le zodiaque, et les dates de leur entrée dans un nouveau signe, au cours de 13 mois lunaires s’échelonnant du 1er avril 7 B.C. au 19 avril 6 B.C. Ces mois lunaires, numérotés de 1 à 13, sont alternativement de 29/30/29/30 jours. Ils débutent à la Nouvelle Lune. Pour cette année-là « une éclipse de Lune était prévue le 13 avril 7 B.C., 5 mois après l’éclipse précédente, et une éclipse de Soleil le 29 avril. Six mois plus tard, aucune éclipse de Lune n’est prévue mais le 23 septembre au matin on devrait observer une éclipse de Soleil. Six mois encore, le 4 avril de 6 B.C., une éclipse de Lune passera et le 18 avril 6 B.C. une éclipse de Soleil doit être regardée ».


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Tablette chaldéenne en écriture cunéiforme du site de Borsippa à Babylone. Ces Ephémérides astronomiques prévisionnelles pour l’an 305 de l’ère des Séleucides portent sur 13 mois lunaires à venir ; elles ont été publiées en 1984 par A.J. Sachs et C.B.F. Walker, sous le titre Kepler’s View of the Star of Bethlehem and the Babylonian Almanac for 7/6 B.C., avec le British Institute for the Study of Iraq, archives JSTOR. Remerciements de l’auteur.


 

Les boucles de Jupiter et de Saturne prévues pour 7/6 B.C.

— C’est curieux, les assyriologues Sachs et Walker* font remarquer qu’il n’y a aucune mention d’une ”triple conjonction” ni même d’une ”conjonction”.

— Exact, le mot de ”conjonction” n’y figure pas. Il n’a pas sa place dans cette liste de 142 couples dates+positions mais la triple conjonction y est décrite en détail avec les 5 paramètres d’orbite de Jupiter et les 5 de Saturne qui définissent leur ”triple conjonction”.

— C’est dommage que ces éphémérides n’indiquent pas non plus les 3 dates où Jupiter se trouve au plus proche de Saturne. C’est quand même amusant pour le spectacle : durant les jours qui précédent les conjonctions on se demande si les planètes vont se ”joindre”.

— En fait comme les deux planètes ne circulent pas strictement dans le plan de l’écliptique mais dans des plans légèrement inclinés (1°18’ pour Jupiter et 2°29’ pour Saturne)  elles sont décalées en latitude et se doublent à 1, 2 ou 3 diamètres lunaires l’une de l’autre selon leur position dans le zodiaque. Pas de ”crash” possible, aucune angoisse, puisque les chaldéens savaient que Saturne passe derrière Jupiter. Certains, aujourd’hui encore s’imaginent que lors d’une ”conjonction” les deux planètes se ”rejoignent”, se fondent en une seule ; ils pensent même expliquer ainsi le fort éclat de l’étoile de Bethléem.

Il convient de traiter Jupiter et Saturne indépendamment. Au cours d’une année la Terre change continuellement de position en décrivant son orbite autour du Soleil. Cinq dates sont cruciales quand Jupiter (ou Saturne) se trouve dans une position bien repérable par rapport au Soleil : Jupiter à l’opposé du Soleil (position Θ) ; Jupiter à 90° du Soleil (positions Φ et Ψ), Jupiter à son premier lever (position en Γ), et à son dernier coucher (position en Ω).

Dans l’ordre chronologique, ces 5 dates sont :

  1. – le jour où la planète, en Γ, est visible pour la première fois le matin à son lever, juste avant celui du Soleil,
  2. – le jour de la première station où la planète, alors en Φ, va repartir dans le sens rétrograde,
  3. – le jour de l’opposition quand la planète, en Θ, est à l’opposé du Soleil,
  4. – le jour de la deuxième station où la planète, en ψ, va reprendre le sens direct,
  5. – le jour où la planète alors en Ω est visible pour la dernière fois, le soir au coucher, juste après celui du Soleil.

 

Les dates des stations, des premiers levers et derniers couchers

— Je vais lire les dates correspondantes prévues dans les tablettes :

« Le 1er avril 7 B.C. [début des éphémérides] Jupiter [déjà levé] dans la constellation des Poissons. Le 3 avril 7 B.C. Saturne sera visible pour la première fois dans la constellation des Poissons. Le 19 juillet Jupiter atteindra son 1er point stationnaire à la fin des Poissons. Le 26 juillet Saturne atteindra son 1er point stationnaire à la fin des Poissons. Le 15 septembre, [le même jour] Jupiter et Saturne, seront en opposition avec le Soleil »

Tablette chaldéenne de 7/6 B.C.

c’est alors l’alignement héliocentrique parfait : Soleil-Terre-Jupiter-Saturne ; les 4 astres alignés le même jour c’est une triple conjonction très rare et parfaitement symétrique.

« Le 11 novembre 7 B.C. Jupiter atteindra son 2e point stationnaire dans les Poissons. Le 13 novembre 7 B.C. Saturne atteindra son 2e point stationnaire dans les Poissons. (Le 6 février 6 B.C. Jupiter atteindra le Bélier). Le 27 février 6 B.C. Saturne sera visible pour la dernière fois à la fin des Poissons. Le 21 mars 6 B.C. Jupiter sera visible pour la dernière fois dans le Bélier ».

Tablette chaldéenne de 7/6 B.C.

— J’ai hâte de vérifier.

 

Lever ”acronocturne” simultané de Jupiter et de Saturne

Les éphémérides chaldéennes déchiffrées par Sachs et Walker ont été traduites selon la terminologie astronomique internationale acronychal rising. L’origine est le mot grec akronuctos de akros, extrême et nux, nuctos, la nuit. Les anglo-saxons traduisent cet adjectif par acronychal où l’on discerne encore night. Le Littré et le Robert traduisent acronyque, l’étymologie est donc perdue en français, c’est dommage, pire le mot fait songer à kronos le Temps. On peut traduire littéralement acronychal rising, ou plutôt akronuctos, par ”lever acronocturne”, ”lever acronuctal”, ou tout simplement ”lever à l’extrême nuit” ou lever crépusculaire puisqu’il s’agit d’un astre qui se lève au moment où le Soleil disparait à l’horizon. La planète (ou l’étoile) est alors en opposition avec le Soleil, et ici, chose très rare, le même jour pour Jupiter et Saturne: le 15 septembre 7 B.C.


boucle

Boucles de rétrogradation : en haut Jupiter sur 10° de longitude environ, au-dessous Saturne sur 7° environ de longitude.

Reconstitution des positions qui correspondent aux dates des éphémérides chaldéennes de Sachs et Walker :

Γ, première visibilité :Jupiter (24) mars 7 B.C., Saturne 3 avril 7 B.C.

Φ, 1ére station : Jupiter 19 juillet 7 B.C., Saturne 26 juillet 7 B.C.

Θ, opposition : Jupiter 15 sept. 7 B.C, Saturne, 15 sept. 7 B.C.

Ψ, 2e station : Jupiter 11 nov. 7 B.C., Saturne 13 nov. 7 B.C.

Ω, dernière visibilité : Jupiter 21 mars 6 B.C, Saturne 27 fév. 6 B.C.